HEURE DE VÉRITÉS

 

 

Tout un pays en émoi. Le Sénégal retrouve la jactance et épilogue sur le sort de Diary, volontairement introuvable en France. Pour s’être mise de bon gré en retrait ou à l’abri des regards inquisiteurs, la voilà qui, à son corps défendant, alimente des spéculations ici et ailleurs. N’est-ce pas que des preuves et des signes de vie existent ? Elle a vingt ans : encore… gamine au Sénégal mais majeure sur le sol français, donc responsable de ses actes. Diary Sow n’est pas portée disparue. Elle a plutôt fugué. Nuance. Les angoisses et les peurs s’estompent. L’affaire cesse d’être abracadabrante.

La vérité, en éclatant au grand jour, décourage les croisés de tous bords. Eux voyaient dans cette « fuite » l’échec des politiques de genre et d’égalitarisme prônés, disent-ils, par des illuminés « sans attache ni ancrage ». Peu importent les raisons, l’escapade ne la grandit pas, disons-le. Au contraire, elle élargit le spectre de soupçons pesant sur sa démarche si solitaire qu’elle devient incompréhensible. Pourquoi alors toute cette pudeur pour dire au monde ce qui la retient ? On se calme… Vit-elle une romance de collégiens en goguette ? Et alors… ! Parce qu’elle n’est pas une fille ordinaire, ses faits et gestes sont épiés. Elle se surprend à être « l’espoir d’une nation ». C’est à croire que ses frêles épaules ne parviennent pas à supporter cette lourde charge.

Tapis rouge par-ci, haie d’honneur par-là, médias, opinion, réseaux sociaux, famille, communautés et religion s’emmêlent pour grossir les attentes. En a-t-elle conscience ? Sûrement. Cador des études, ses performances exceptionnelles sont saluées. Elle jouit d’une reconnaissance débordante. Mais à Paris, son brillant parcours s’ajoute à d’autres tout aussi étincelants. Surtout en prépa au prestigieux lycée Louis Le Grand où elle côtoie de vives intelligences à des âges encore plus précoces. La valeur n’attend pas le nombre d’années… Diary découvre Paris et se projette.

Elle apprend vite des réalités qui l’environnent. En débarquant à Paris, ville lumière, a-t-elle pensé avoir accosté un nouveau monde ? Les études de haut niveau exigent une attention soutenue parce que la compétition est permanente. Pas de relâche. Or Diary lâche. Faux-nez ou pied de nez, plusieurs identités se télescopent en cette jeune romancière prodige aux textes relevés et aux mots finement ciselés.

En se coupant du monde et en prolongeant son absence des cours, elle ruine ses chances de se distinguer au plan académique. Maintenant se pose à elle la manière de réapparaître en toute dignité. Sous quels traits d’ailleurs ? Gageons que sa vie est devant elle. Sans doute subissait-elle une éprouvante pression.

Par son « visage d’ange », elle nous installe dans une fiction et nous fait entrer dans un autre champ plus proche du réalisme comme principal ressort de vie. Son histoire, à ce stade, révèle l’affaiblissement de l’école sénégalaise qui ne produit plus de cracks d’exception. Le vrai recul est là. Des têtes d’œuf, il y en eu dans le passé qui avaient ébloui par leur génie. Certains étaient d’extraction modeste, ce qui conférait à leurs prouesses respect, considération et surtout admiration. Après tout, le mérite doit justifier la position sociale.

Pour l’avoir compris, le premier Président du Sénégal, Senghor, lui-même ayant fréquenté Louis Le Grand dans les années 40, avait une vision de l’excellence et s’informait assidûment des performances des jeunes sénégalais envoyés dans les Grandes Ecoles françaises, anglaises ou américaines. Il projetait de fabriquer un « esprit sénégalais » en écho à « l’esprit français » insufflé par Napoléon III, illustre fondateur de ces établissements d’exception connus et reconnus dans le monde pour la formation des élites. Où va l’éducation au Sénégal ? Après le choc de défiance, à quand un choc de confiance en faveur d’un modèle d’enseignement typique ?

La question se pose au moment où Diary monopolise l’attention de l’opinion par médias interposés, faisant jeu égal avec la pandémie du covid-19 et la crise aviaire qui décime tout un secteur de production. Toute école reflète son environnement et projette les ambitions de la société qu’elle sert. Par ses missions, nombreuses et variées, elle canalise les aspirations qu’elle aide à trouver meilleure voie d’expression et de réalisation.

A l’origine, l’école sous tous les cieux, gommait les différences en privilégiant l’excellence dans une perspective d’émancipation et d‘épanouissement. Elle n‘était guère un lieu traumatisant, otage des crispations identitaires. L’imaginaire collectif la percevait comme un précieux outil d’intégration normative.

L’Amérique s’apprête à tourner une page. Demain, le 46ème Président entre en fonction dans un contexte atypique : un président sortant qui boude une cérémonie conventionnelle très typique de la démocratie américaine très malmenée en ces temps. Mais Joe Biden, arrive à 74 ans, à la Maison Blanche avec une claire perception des enjeux nationaux et mondiaux. Par les premières nominations, Biden donne le ton de sa présidence censée rassembler et mobiliser pour réussir ensemble sans distinction d’origine.

Son incomparable expérience politique le prédispose à s’attaquer aux maux qui rongent les Etats-Unis : isolement, tensions raciales, communautarisme, méfiances, pandémies, déclin industriel, leadership contesté et diplomatie illisible jusque là. Parviendra-t-il à conjuguer ces forces pour se démarquer de la calamiteuse présidence de Donald Trump ? Lequel, en vantant l’Amérique d’abord, a récolté l’Amérique seule…

Il laisse un pays divisé, déconstruit, qu’il importe de « réparer » comme l’a dit si joliment un électeur démocrate de Delaware. Biden sait que la fracture est béante puisque plus de 70 millions d’Américains n’ont pas voté pour lui. Un signal fort est attendu de cet homme puissant, à la tête d’une nation elle-même puissante en quête de rédemption dans un monde tumultueux.

« Lumumba est fini », avait tonné en 1961 Mobutu. Erreur. Soixante ans après l’assassinat odieux du père de l’indépendance congolaise, sa figure tutélaire réapparaît en signe d’une réhabilitation historique. Outre son allure et sa prestance, Lumumba dominait la scène politique de son pays qu’il voulait affranchir de la minuscule Belgique en retrouvant son indépendance, sa dignité avec un dessein clair : retrouver la souveraineté en se réappropriant les fabuleuses richesses pour construire son développement.

L’Occident, en pleine guerre froide, l’accuse de connivence avec « l’ennemi communiste ». « Il faut l’éliminer », instruit une note du ministère belge des affaires étrangères. L’Amérique de Eisenhower approuve. Des tueurs à gages débarquent à Kinshasa. La mission est sans équivoque : éliminer égale tuer et faire disparaître toutes traces. Tué, découpé, le corps de Lumumba est jeté dans un fût rempli d’acide. Il est mort certes. Mais il revit par ses idées, sa clairvoyance, son courage et sa lucidité politique qui relance plus que jamais son actualité.

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