Inflation des décès dus à la Covid-19 au Sénégal : la cause la plus plausible, selon le statisticien Thierno Dieng.

 

 

La deuxième vague du coronavirus s’est installée au Sénégal avec une augmentation très inquiétante de cas accompagné d’une flambée de décès. À ce jour, 24. 727 cas positifs ont été dénombrés dont 20.476 guéris et 575 décès. Le nombre de malades sous traitement s’élève aujourd’hui à 3.675.

Ce nouveau visage montré par l’épidémie dans notre pays a été à l’origine de la réinstauration depuis le 6 janvier dernier de l’état d’urgence assorti d’un couvre feu de 21 heures à 5 heures du matin. 

Alors que la vaccination semble être la voie du salut pour les autorités, il serait cependant judicieux de connaître les raisons de cette subite augmentation des décès? Thierno Dieng, statisticien, spécialisé en démographie et en santé publique a tenté une réponse à travers une analyse basée sur les données officielles fournies par le Centre des opérations d’urgence sanitaires du Ministère de la Santé et de l’Action sociales.

Partant du constat selon lequel « les personnes âgées et les malades ayant des comorbidités sont les plus à risque de développer des complications souvent fatales », il fait noter qu’entre le 29 juin et 5 juillet, 28 décès ont été enregistrés au Sénégal. C’est le plus grand cumul de décès hebdomadaires pendant la première phase de l’épidémie. Sauf que la situation a empiré dans la semaine du 21 au 27 décembre puisque les cumuls hebdomadaires sont passés de 34 à 57 tous les 7 jours. Qu’est ce qui a donc changé entre temps pour que la maladie provoque autant de décès ?

La surcharge des services de réanimation peut-elle être la cause ? « Probablement non, car on a compté en moyenne 52 cas graves entre le 10 et le 16 août 2020 et il y a eu 20 décès pendant cette période. Par contre, entre le 11 et le 17 janvier 2021, il y a en moyenne 37 cas graves, alors que le nombre de décès est passé à 57 », argue-t-il. Dans le même ordre d’idées, il disculpe la stigmatisation, le retard à la consultation et l’apparition d’un nouveau variant du coronavirus.

Cependant, il n’exclut pas l’implication de l’augmentation des cas dans l’inflation des décès. « C’est possible car plus il y a de cas dans la population, plus le risque de cas graves augmente », soutient-t-il. Mais il n’élude pas une autre possibilité : l’âge des patients.

Les personnes âgées de plus en plus exposées 

Pour étayer cette thèse, le statisticien spécialisé en démographie et en santé publique, Thierno Dieng, rappelle qu’au 11 mai 2020, la tranche d’âge la plus contaminée était celle de 25/44 ans (21,8% chez les hommes et 18,8% chez les femmes). Durant cette période, les personnes âgées de 60 ans et plus ne représentaient que 5,7% des sujets atteints (5,7% chez les hommes et 4% chez les femmes ). 

« Au 1er juin 2020, l’épidémie présentait le même visage, avec, cependant une légère augmentation de la proportion des cas âgés de 60 ans et plus (6,9% chez les hommes et 4,3% chez les femmes) », détaille-t-il. Au 10 septembre 2020, poursuit l’analyse, la tranche d’âge 20 à 39 ans restait toujours la plus touchée par l’infection.

C’est dans cette période coïncidant avec la restriction des mesures visant à lutter contre la Covid-19, que l’on remarque une augmentation de la contamination parmi les personnes âgées de 60 ans et plus. Selon l’analyse de Thierno Dieng lue à Dakaractu, on enregistrait 1.500 cas en cumul hebdomadaire dans cette tranche d’âge. Une tendance qui s’est maintenue jusqu’à la fin du mois de décembre. La deuxième vague s’est installée et le nombre de malades de 60 ans allait crescendo, dépassant alors 2.000 par semaine, relève le statisticien dont l’analyse est basée sur les données du COUS (Centre des opérations d’urgence sanitaires ).

La semaine qui a suivi a vu s’opérer un basculement qui a changé le visage de l’épidémie. En effet, pour la première fois, fait noter l’analyse parcourue à Dakaractu, les personnes âgées ont été les plus nombreuses parmi les cas symptomatiques, notamment chez les hommes. Tendance qui s’est maintenue selon le statisticien qui constate un « léger élargissement de l’écart entre les plus âgés et les plus jeunes en termes de contamination chez les hommes ».

Cet état de fait s’est sans doute répercuté sur le nombre de décès qui a commencé à augmenter à partir de la semaine du 7 au 13 décembre, selon l’analyse du statisticien. Et entre cette date et le 17 janvier, les décès dus à la covid ont augmenté fortement, fait-il noter. Ce qui l’amène à dire « qu’aujourd’hui, la forte diffusion de la maladie parmi les personnes âgées est la raison la plus plausible pour expliquer la survenue de ces nombreux décès ».

Maintenant reste à déterminer les sources de contamination des personnes âgées. Il propose de réfléchir sur trois pistes dont les rassemblements religieux, les rassemblements familiaux, les prières dans les mosquées et le traitement à domicile…

 

dakaractu