En soutien à Ousmane Sonko – Pastef masse avec force : Le virus de la violence se répand dans Dakar

 

 

Les militants et sympathisants de Pastef ont détruit hier «tout» sur leur passage pour manifester contre une éventuelle arrestation de leur leader, Ousma­ne Sonko, accusé de viol sur une masseuse.

Le ciel de la cité Keur Gorgui, quartier où réside le leader de Pastef, est enveloppé d’une épaisse fumée noire. Le temps d’une journée, le quartier a été sevré, ce lundi, de sa tranquillité habituelle. C’est une modeste maison située dans une ruelle étroite. L’endroit grouille de monde. Masqués, les soutiens de Sonko, des jeunes en majorité, montrent leur détermination, quitte à y laisser leur vie pour défendre leur «espoir». Pas l’ombre du député qui n’a pas daigné répondre à la convocation de la gendarmerie tant que son immunité parlementaire n’est pas levée. La tension est restée électrique toute la journée de ce 8 février 2021. Ce n’est point une surprise. La veille Sonko avait appelé ses partisans à la résistance face au régime qu’il accuse d’être derrière cette affaire de viol présumé dont il fait l’objet. Tout se passait bien devant la demeure de Ousmane Sonko sans anicroche. Les minutes passent, les esprits s’échauffent au fur et à mesure que la foule grossit. Téléphone en main, le commissaire Faye du Groupement mobile d’intervention (Gmi) avance à petits pas vers le lieu de l’attroupement. Il n’a pas eu le temps de s’expliquer. Il est acculé. L’ambiance devient aussitôt indescriptible. «Nous sommes prêts pour mourir», retentit une voix dans le public. Avec un sang-froid impressionnant, le commissaire tente de les calmer, mais en vain. «On a juste besoin du chef de protocole, point barre ! Terminé !» Malgré cette assurance, il n’est pas écouté. Ne se sentant sans doute plus en sécurité, il a reculé en compagnie de l’élément qui l’accompagnait. Ils sont hués par la foule qui les a suivis jusqu’à la rue principale. «Si vous occupez la voie publique, vous tombez sous le coup de la loi. S’il vous plaît, sortez de la voie publique !», supplie le commissaire Faye. C’est le tohu-bohu total. «Chef, on est d’accord», lui répond le chargé du protocole de Ousmane Sonko. Et Djibril Guèye Ndiaye s’adresse à l’un des militants de Pastef : «Ramène-les, allez y svp ! J’arrive les gars. Soyez disciplinés, laissez la voie publique. Allez nous attendre là-bas, on répond au commissaire, nous vous rendrons compte, de grâce libérez la voie publique!» Le monsieur essaye avec une grosse difficulté face à des hommes surexcités. «Canalisez vos hommes ! Allez-y de l’autre côté, on va gérer la situation», tempère le commissaire, chef des opérations. «Calme tes hommes, nous ne sommes pas venus ici pour créer quoi que ce soit», exhorte encore le commissaire Faye au chargé du protocole de Ousmane Sonko. «Svp repli, repli», vocifère un homme dans la foule. Son appel sera entendu.

Enormes dégâts
Plusieurs pick-up de la police viennent de déverser des éléments bien armés venus en renfort, avec canons à eau, le fameux «dragon». Les coins et recoins sont vite quadrillés. L’assaut est lancé, chacun cherche à sauver sa peau. En un laps de temps, l’air est devenu irrespirable à cause de l’odeur des gaz lacrymogènes. Les yeux embués de larmes, le nez qui laisse échappé du liquide, l’officier crie sur ses hommes : «Avancez, venez avec le véhicule !» Pendant ce temps, une pluie de pierres s’abat sur les policiers. Durant plusieurs heures, les jeunes «patriotes» leur ont tenu tête. Une résistance incroyable ! «Les journalistes, vous nous gênez là, reculez ! Reculez ! Pour votre sécurité, restez sur place messieurs !», recommande le commissaire devant des journalistes qui ne voulaient rien rater de cette intifada. La police a procédé à une dizaine d’arrestations musclées. «Ousmane Sonko est là-bas calme, serein, il n’y a aucun problème. Il est relax en blouson avec des opposants venus lui manifester leur soutien», affirme Djibril Guèye Ndiaye. La tension monte. Fumée, flamme, sang, décorent ce quartier calme érigé par le régime Abdoulaye Wade. Ailleurs aussi, c’est la même furie : au moins 3 véhicules particuliers caillassés avant d’être brûlés, Auchan Sacré-Cœur, sis près de la «Boulangerie jaune», mis à sac, des kiosques Orange money brisés, des stations d’essence saccagées. C’est le bilan dévastateur des partisans de Ousmane Sonko. Des pneus brûlés, des pierres et troncs d’arbres jonchant le sol témoignent de la violence perpétrée par les «patriotes», de Sacré-Cœur à Grand-Yoff, en passant par le rond-point Liberté 6 et l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Du sang, des balles à blanc… On se croirait dans un champ de bataille, dans un pays en guerre.

LEQUOTIDIEN.SN