EDITORIAL PAR MAMADOU NDIAYE: VENTRE MOU

 

 

Bruits de bottes au sud. Marche à pas de loup à l’est. Les armes tonnent. L’armée avance. Elle enchaîne manœuvres et victoires et, à front renversé, libère des territoires en repoussant au loin des bandes armées. Ces incursions militaires à succès s’assortissent d’un accord du pouvoir d’Etat qui, bien renseigné sur les agissements aux frontières, a validé les opérations. Avec lucidité et un sens aigu du discernement.

Par un effet de surprise feinte, a surgi à l’est du pays une intention fugitive très vite circonscrite par les forces de défense et de sécurité. Une extension possible de la violence dans la région orientale était surveillée comme du lait sur le feu. Un faisceau de faits l’atteste : un ballet incessant de personnes de part et d’autre entre Kidira, Bakel et Kayes (au Mali), une étonnante prolifération de moyens mobiles de déplacement et une déconcertante circulation de devises.

Dans une zone sans vitalité économique autre que la ressource minière, marquée par la grisaille, il y a lieu de s’interroger sur cette apparition soudaine de moyens financiers substantiels. D’où la prompte intervention pour étouffer l’indicible initiative. Les informations glanées, d’importance stratégique, soulignent des attitudes pour le moins suspectes à la frontière avec le Mali.

Cette partie du territoire, décrite comme un ventre mou, constitue un véritable théâtre d’ombres avec une diversité de silhouettes. En politique, le moment est important pour poser un acte. Il a suffi d’un regard d’acier pour observer les discrètes agitations. Mises bout à bout, celles-ci révèlent en arrière-plan un projet de déstabilisation qui se dessinait. Ainsi, les acteurs de ce funeste dessein prennent le Sénégal pour un nouveau monde à accoster.

N’eut été la pro-action de nos forces de défenses dans quel scénario de crise serions-nous aujourd’hui ? Devons-nous prendre garde à ne pas baisser la garde, à accroître notre vigilance, à nous départir de cette indolence bien sénégalaise, à renoncer à la nonchalance surannée et à tuer en nous une certaine langueur presque suicidaire ? La liberté de parole n’a pas de prix. Mais, elle coûte cher. Si bien que son excès nuit quand tout est prétexte à vocifération ou à des délibérations vaseuses, sans grand relief en un mot.

Tous les groupes armés, surtout ceux qui se proclament jihadistes, ont l’œil maintenant rivé sur le Sénégal, assurément à la mode. Pour eux, le pays fascine. Mieux, il se place idéalement dans le jeu de la martingale : une jeunesses insouciante, assez festive et même jouissive, une société ouverte et poreuse, permissive, donc fragile et surtout peu regardante sur ce qui la détruit de l’intérieur.

Faut-il sonner l’alerte pour déclencher l’hallali ? De plus en plus de couches sociales subissent l’oppressante pression d’un quotidien fuyant, dur et impitoyable. A force de ruser avec la vie sans moyens de prendre le dessus, les plus exposés finissent, faute de recul, par craquer en cédant aux promesses d’un Jihad édulcoré et dépourvu de vision messianique. Par ce biais, le salut s’éloigne à mesure qu’il semble proche…

A-t-on conscience de l’attrait qu’exercent les mouvements islamistes sur les jeunes africains ? Les similitudes de conditions sont des facteurs de rapprochement malgré les disparités de trajectoires. Dès lors, faut-il oser établir un lien entre les deux situations ? La paupérisation rampante des couches sociales et le désœuvrement croissant des jeunes, combinés, font le lit des extrémismes sur fond de frustration et d’exaspération.

Sur le flanc méridional qui se prolonge jusqu’à l’est, la frontière ressemble à un fromage gruyère avec de nombreux points de vulnérabilité connus. Hantés par la crainte d’un harcèlement militaire, les groupes en question peuvent se liguer, se rapprocher, travailler ensemble à désaxer la stratégie de l’armée pour disperser sa puissance de feu. La sécurité aux frontières est un des marqueurs politiques de Dakar qui entend consolider les acquis par une présence plus dissuasive afin de relever le défi sécuritaire. Existe-t-il un no man’s land en Casamance ? Pas vraiment.

Jamais le MFDC, pris pour plus fort qu’il n’est, n’a conquis une citadelle devenue imprenable et soustraite du territoire sénégalais. Il est vrai que des zones ont été dévastées puis vidées de leurs habitants avec des mines anti-personnel disséminées lâchement sur de vastes aires de rizières autrefois fertiles, désormais impropres à la culture de cette spéculation si prisée. En réduisant le périmètre opérationnel des forces censées appartenir au MFDC, l’armée parvient à rétablir un espace de vie propice au retour des populations terrifiées par des exactions frisant l’impunité.

Désormais, elle mène le jeu. Avec, bien entendu, la caution de l’autorité suprême qui a exprimé à cet égard et sans ambages ses options prioritaires de gouvernance. De ce point de vue, les avancées, certes significatives, doivent s’inscrire dans la durée avec pour finalité la restauration de la confiance et de la dignité. Notre géographie constitue une donne intangible avec laquelle il importe de forger l’équilibre. Cela nécessite une souplesse et une habileté diplomatiques. A quoi s’ajoute un pilotage stratégique tenant lieu de levier de l’intégration. Parce que le Sénégal ne saurait s’isoler du reste d’une vaste région en proie à des troubles permanents.

Le G5 qui se réunit à Ndjaména au Tchad compte évaluer le bilan des actions de terrain pour mesurer le chemin parcouru et sonder l’état du rapport des forces face à des foyers où sévissent encore des violences résiduelles. L’issue politique reste introuvable (pour le moment tout au moins). Le G5 Sahel, cadre institutionnel de coordination des politiques de sécurité, préconise l’option militaire. Laquelle est perçue comme un sursaut pour arriver à pacifier une région de plus de 5 millions de kilomètres carrés. Ces préoccupations éminentes nous éloignent du microcosme dakarois peuplé de rodomontades alors qu’aux frontières se joue le destin d’une nation. Le drapeau, la République, l’armée, l’honneur et la foi sont les attributs d’un peuple jaloux de sa souveraineté.

Femme puissante, compétente et talentueuse, Ngozi Okonjo-Iweala devient à 66 ans directrice de l’Organisation mondiale du Commerce. Harvard et MIT, respect ! Elle aligne des premières : première femme à la tête de l’institution, première africaine dirigeant l’OMC et influente économiste dont les vues sont consommées sans modération par des dirigeants du monde qui saluent en elle une économiste chevronnée.

Au-delà du Nigéria, son pays d’origine, c’est toute l’Afrique qui s’affirme davantage dans le sillage des Sénégalais Amadou Makhtar MBow (UNESCO) et Jacques Diouf (FAO) ou de l’Ethiopien Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus (OMS) dont les traits de personnalité ont illuminé leurs mandats et rejailli sur le continent. Le développement, c’est un cumul de progrès.

Tiens, Cuba ouvre ses frontières aux entreprises américaines ! Evolution ou… révolution ? Bienvenue Ngozi !

Emediasn