Mort de George Floyd: Condamner Derek Chauvin? Oui, mais pas toute la police

 

 

Il n’était pas parmi les manifestants devant le tribunal de Minneapolis où le procès de Derek Chauvin s’est ouvert hier. Il, c’est Bill Rodriguez, un habitant de Minneapolis rencontré par «LeParisien». Au contraire de la plupart des participants à ces manifestations, il est contre le démantèlement de la police dicté en juin dernier par le conseil municipal de la Ville.

Non pas parce qu’il est indifférent à la mort de Georges Floyd mais parce qu’il juge cette décision trop radicale. «C’était une décision ridicule qui ne reflète absolument pas l’avis de la majorité la population. Les pires décisions sont celles qui sont prises dans l’urgence. D’ailleurs, aujourd’hui, la plupart de ceux qui ont voté le regrettent», argue le consultant en marketing, membre de l’association Safety now («la sécurité maintenant») qui milite en faveur du renforcement des effectifs de police. Actuellement, le processus est à l’arrêt.

Hausse de la violence

Depuis cette annonce, la criminalité est repartie à la hausse. Homicides, blessures par balles et car-jackings augmentent alors que les officiers sont moins nombreux sur le terrain. «Les gens ne sont pas bêtes et voient la corrélation. Bien sûr, il y a l’effet de l’épidémie. Il y a aussi les conséquences des tensions raciales structurelles, égrène Bill Rodriguez. Mais on ne peut pas nier l’impact du projet de démantèlement. C’était un message adressé aux criminels: le business est ouvert à Minneapolis. Et ils l’ont bien compris.»

Son association milite donc pour renforcer les rangs du Minneapolis police department (MPD). «Le rôle d’un conseil municipal c’est de garantir la sécurité et la protection des citoyens. Et c’est exactement à ça que sert la police. Ses membres sont dûment mandatés pour arrêter les personnes qui ne respectent pas la loi», souligne-t-il posément. Il assure même que les gens en faveur de la baisse des effectifs de la police en août dernier auraient changé d’avis.

Le carrefour où George Floyd a été tué est devenu une zone à éviter. «Le quartier est gangrené par les gangs» déplore l’homme de 62 ans d’origine cubaine. Preuve en est par la fusillade survenue samedi dernier. «Il est urgent que la ville nettoie cet endroit et en reprenne le contrôle. C’est une zone publique.» Le père de famille est parfaitement conscient de la mauvaise réputation du MPD et des accusations récurrentes de racisme et de brutalité qui pèsent sur lui mais il croit au changement: «Pour la première fois, le chef de la police est un Afro-Américain, Medaria Arradondo. C’est sans doute la personne la plus populaire de cette ville. Donc si lui ne peut pas réformer la police, alors personne ne le pourra.»

«La vidéo est pénible à regarder»

Bill Rodriguez condamne l’attitude de Derek Chauvin et réclame, comme les manifestants au pied du tribunal «justice pour George Floyd».

«La vidéo est pénible à regarder. Ce n’est pas comme s’il maintenait son genou sur son cou pendant 30 secondes… On parle d’une durée de plus de 8 minutes. Il faut vraiment être stupide pour ne pas comprendre qu’on met en danger la personne, relève le consultant. Par ailleurs il est accompagné de trois collègues et il y a des témoins qui crient pour lui demander d’arrêter. Cette séquence trahit l’insensibilité et l’arrogance du MPD. Cela montre aussi à quel point on a été négligent sur la discipline des policiers.»

Cette opinion n’est pourtant plus majoritaire. Selon un sondage commandé cette semaine par «USA Today», seulement 36% des Américains estiment aujourd’hui que la mort de George était un meurtre contre 60% l’été dernier.

Le sexagénaire attend donc avec une certaine appréhension le verdict. «Je ne suis absolument pas un expert de la justice mais mon opinion est qu’il sera condamné à une infraction intermédiaire, l’homicide involontaire», se hasarde Bill. Il y a une chose en revanche dont il est certain: «Si Derek Chauvin est acquitté, il n’y aura pas assez de policiers et de soldats de la Garde nationale dans tout le pays, voire dans le monde entier, pour contenir les réactions.»

(fro)