ENTRETIEN Mamadou Kassé, Dg Sicap : «Je suis candidat à la mairie de Tamba»

 

 

M. Kassé, quel est votre niveau de participation au Programme des 100 mille logements sociaux ?
Le Programme 100 mille logements, d’émanation présidentielle, est une des initiatives les plus importantes de ces 30 dernières années dans le sous-secteur de l’habitat au Sénégal. La Sicap Sa que je dirige capitalise 70 ans d’expérience dans le domaine. C’est ce qui explique son implication au premier plan dans la réalisation du programme avec un engagement ferme à réaliser 20 mille logements, soit 20% du programme global. C’est un objectif important qui épouse parfaitement la volonté du chef de l’Etat de voir les sociétés de promotion immobilière publiques s’engager en priorité sur les projets et programmes publics.

La Sicap Sa est-elle toujours autant impliquée dans la construction des logements sociaux comme il y a 30 ans avec celle des quartiers entiers ?
Plus que jamais la Sicap Sa assume son statut de développeur de territoires cohérents et promoteur de cadres de vie viables et vivables. Il faut juste noter qu’à l’heure actuelle, il y a moins d’envergure dans la capitale sénégalaise où intra muros la question de la rareté du foncier se pose avec acuité. C’est d’ailleurs ce qui explique que dans le Plan stratégique de développement 2019-2024, il est prévu le déploiement de la Sicap Sa au niveau des 45 départements du Sénégal. Autrement dit, l’ère d’une Sicap exclusivement dédiée à la région de Dakar est révolue. Nous ouvrons une nouvelle page pour développer de nouveaux programmes basés sur l’équité territoriale et l’accompagnement des villes secondaires dans l’extension normée de leurs espaces urbains.

On parle de logements sociaux. Est-ce que le coût est accessible au Séné­galais moyen ?
Il y a eu beaucoup d’évolution sur la définition du logement social ces dix dernières années. A la faveur de l’adoption de la Loi d’orientation sur l’habitat social, le secteur a pu corriger les incohérences et combler les vides, notamment sur la définition du logement sur les aspects coût et configuration technique. Cette loi a aussi a été à l’origine de la création du Fonds pour l’habitat social (Fhs), essentiellement alimenté par la taxe sur le ciment et avec pour vocation d’agir comme levier de garantie pour les acquéreurs dont l’écrasante majorité ne présente pas un profil idéal pour l’accès direct au crédit dans les conditions prévues par les institutions financières. Cela dit, dans le cadre du programme 100 mille logements, le président de la République exige que le prix des villas sociales ne dépasse pas 12 millions avec un mode de paiement qui bannit un apport exigible.

Avec la concurrence des privés, est-ce qu’il n’est pas temps de s’adapter ou de se réajuster ?
La concurrence dans le secteur ne date pas d’aujourd’hui. La libéralisation du secteur a débuté timidement avant les années 90 et s’est accélérée au-delà avec la multiplication d’entreprises privées de promotion immobilière. Les sociétés n’ont pas les mêmes missions dans le sens où jusqu’à une certaine année les sociétés publiques de promotion immobilière restaient de grands bailleurs sociaux, mais avec le bradage de leur patrimoine locatif, elles sont devenues plus fragiles en même temps que cette action a participé à dérégler le secteur.

Est-ce que la Sicap Sa est toujours performante dans ce secteur ? Quelles sont les passerelles avec la Sn-Hlm où vous avez été le directeur général dans le cadre de la réalisation de ces projets d’habitat ?
La Sicap Sa est à la fois performante et compétitive. Elle se porte bien avec de belles perspectives rendues possibles par la confiance que les Sénégalais d’ici et de la diaspora placent en elle. Ce qui est constant, c’est que la Sicap Sa et la Sn-Hlm, que j’ai eu aussi l’insigne honneur de diriger, sont des sœurs jumelles qui sont différentes et complémentaires dans le secteur. Si leurs aires d’intervention sont différentes, leurs sphères d’alimentation restent les mêmes. Le sous-secteur de l’habitat est large et la demande est très forte. A mon sens, il y a une place pour chaque acteur sérieux, tant du privé que du public, et dans tous les segments il peut agir. La Sicap Sa opère progressivement sa mue en s’adaptant aux nouvelles réalités du secteur avec des mutations profondes, notamment dans l’écosystème de la construction.

En politique, notre pays a été secoué par de fortes violences. Que faire pour éviter de telles situations à l’avenir ?
Ce que nous avons vécu avec ces manifestations d’une rare violence est à plus d’un titre déplorable avec plus d’une dizaine de morts. Rien ne peut justifier la violence, quelle qu’en soit la forme. Ce qu’il faut retenir en finalité, c’est que le président de la République, en s’adressant à la Nation suite à ces situations, a lancé un message fort à sa jeunesse et engagé des mesures énergiques allant dans le sens d’intensifier les actions pour la création en masse d’emplois. En clair, il va multiplier les efforts en ce sens, en plus des mesures prises dans l’immédiat allant notamment dans le sens de l’assouplissement des mesures restrictives imposées dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus. Je demeure persuadé qu’avec la mobilisation de 350 milliards supplémentaires sur 3 ans, de telles situations peuvent être de mauvais souvenirs.

On a parlé de problèmes d’emploi des jeunes. L’Etat est-il capable d’inverser la tendance avec un niveau de chômage presque endémique ?
Bien entendu. Il faut d’ailleurs comprendre que le chômage est une question à laquelle tous les pays sont confrontés, quel que soit leur niveau de développement. J’en arrive à la conclusion que le chômage est depuis la fin des trente glorieuses une pandémie permanente. Chaque pays le gère, au regard de paramètres exogènes et endogènes. Pour le nôtre, il faut combiner le phénomène à l’existence d’une économie informelle puissante et une inadéquation entre la demande émanant du marché et la qualification réelle des demandeurs.
C’est le lieu de saluer les efforts qui ont été faits dans ce domaine depuis 2012 avec une vision et une politique ayant permis la création de plus de 500 mille emplois directs ou indirects. Des fruits sont attendus aussi de la politique de mise en cohérence entre l’emploi et la formation, la volonté du gouvernement de faire la promotion des orientations vers des filières scientifiques plus pourvoyeuses d’emplois, la révision des curricula et leur adaptation au contexte, le développement de la formation professionnelle et une politique d’apprentissage claire qui fluidifie davantage le parcours de l’actif vers un emploi durable.
A côté de ces initiatives, il y a également un dispositif d’accompagnement de l’entreprenariat qui a été développé et qui a permis de financer plusieurs porteurs de projets. Ma conviction est que la trajectoire de notre croissance avant la pandémie du Covid-19 était porteuse d’espoirs vains par sa chute vertigineuse conséquente à la survenue de cette situation exceptionnelle de catastrophe sanitaire. La manière dont le gouvernement a fait face avec le plan de résilience et poursuivi avec le plan de relance montre que l’après-Covid-19 correspondra à un retour de la dynamique.

A Tambacounda où vous militez, comment se porte votre parti ?
Notre parti, l’Alliance pour le République, qui est le porte-étendard de la majorité présidentielle, se porte très bien, même si elle est minée quelquefois par des contradictions internes. Malgré ces divergences de vues dans la marche de l’appareil, nous arrivons toujours à opérer un dépassement lorsque vient le moment de se présenter, de passer à l’essentiel. Ma conviction est que des mutations générationnelles fortes sont en train de s’opérer dans le paysage politique. Et naturellement, cela se fait dans la douleur. Dans tous les cas, le renouvellement est irréversible au regard de la configuration très spéciale de l’électorat avec un nombre important de primo et néo votants. A l’instar des autres localités, Tambacounda fait face à cette réalité. Seulement, s’il est avéré que l’hégémonie de notre coalition ne fait pas l’ombre d’un doute. Nous devons rester vigilants, présents au niveau de la base et animer les structures locales.
Le débat sur une éventuelle candidature du Président Sall fait partie des sujets de division. Ne devrait-il pas dire qu’il ne le serait pas pour apaiser davantage le climat politique et social ?
Le débat a été un sujet de division de fait parce que l’approche de départ était destinée à imposer une dualité dans l’interprétation. Vous comprendrez que je vise les initiateurs du débat sur la qualification du premier exercice de 7 ans du président de la République dans la comptabilité des mandats successifs.
C’est d’ailleurs pour ne pas installer le pays dans un débat qui n’intéresse qu’une frange infirme de la population que le Président avait décidé de s’abstenir de s’exprimer une énième fois sur la même question. Comme tous les citoyens, j’ai un avis même si ce n’est pas celui d’un spécialiste, mais vous conviendrez avec moi qu’en responsable discipliné je reste dans la ligne tracée par celui que nous nous sommes librement choisis comme chef de file. Par conséquent, je reste suspendu à la décision du Président de s’exprimer sur cette question pour que je lui réaffirme, à la minute qui suivra, mon soutien sans faille.

Etes-vous pour ou contre une limitation des mandats présidentiels ?
J’ai voté oui au dernier Référendum qui consacre la limitation des mandats en même temps qu’il a fait passer la temporalité des exercices au quinquennat en lieu et place du septennat. Si vous voulez ma réponse, je suis pour notre Constitution et son application la plus stricte. Cela suppose que tout le monde peut s’adonner au jeu de l’interprétation en toute liberté, mais personne, en dehors du Conseil constitutionnel, ne peut se prévaloir du droit d’arbitrage sur les questions liées à l’interprétation de la charte fondamentale.

Seriez-vous candidat à la mairie de Tambacounda ?
Naturellement, je serai candidat. Et de manière ferme, je n’envisage pas d’ignorer cette demande des Tambacoundois, toutes catégories confondues, de me mettre à leur service pour un développement urbain cohérent. Tambacounda est une jeune ville, à peine centenaire, qui a besoin d’élus ayant de l’énergie à revendre. Neuf années durant, j’ai été à la base avec eux dans la quête de solutions à leurs différentes préoccupations. Je pense être une partie de la solution pour que Tambacounda se tourne résolument vers l’accomplissement de son destin, à savoir l’émergence de son territoire et le mieux-être de ses populations tant souhaités par le Président Macky Sall.

LEQUOTIDIEN.SN