Amérique du Sud: Guillermo Lasso gagne l’élection présidentielle en Equateur

 

 

L’ex-banquier conservateur Guillermo Lasso a été élu dimanche président d’Equateur face au jeune économiste Andrés Arauz, poulain de l’ex-dirigeant socialiste Rafael Correa, dans ce pays pétrolier endetté, dont la crise s’est aggravée avec la pandémie de Covid-19.

À 65 ans, Guillermo Lasso a transformé son troisième essai et succédera à l’impopulaire Lenin Moreno, qui achèvera en mai son mandat de quatre ans. Devançant son adversaire de plus de cinq points, il a obtenu 52,51% des voix contre 47,49% à Andrés Arauz, selon 93,14% des suffrages dépouillés.

«Le 24 mai prochain, nous assumerons avec responsabilité le défi de changer le destin de notre patrie et à atteindre pour tous l’Equateur d’opportunités et de prospérité auquel nous aspirons», a-t-il promis depuis Guayaquil (sud-ouest), sa ville natale. Son rival de gauche, âgé de 36 ans, a admis la défaite: «Je le féliciterai pour le triomphe électoral obtenu aujourd’hui et lui démontrerai nos convictions démocratiques», a-t-il déclaré.

Quelque 13,1 millions d’électeurs étaient appelés à départager Andrés Arauz, arrivé en tête du premier tour le 7 février, de Guillermo Lasso, vaincu précédemment par Rafael Correa, qui a gouverné le pays pendant dix ans jusqu’en 2017, puis par Lenin Moreno. La journée électorale s’est déroulée sans incident, selon le Conseil national électoral (CNE). Après la clôture, Andrés Arauz s’était risqué à devancer les résultats officiels et à se déclarer vainqueur, en citant un sondage de sortie des urnes lui donnant 1,6% d’avance sur son rival.

Pour un «Equateur libre»

Guillermo Lasso s’est dit prêt à donner sa «vie au peuple», promettant «un Equateur libre et démocratique». Adepte du libre-échange, il vise un «déficit zéro pour ne pas aggraver la dette» et a promis de créer deux millions d’emplois. Le PIB de ce pays dollarisé de 17,4 millions d’habitants s’est contracté de 7,8% en 2020 et la dette globale atteint 63,88 milliards de dollars (63% du PIB).

L’Equateur est en outre très touché par la pandémie, avec quelque 340’000 cas de Covid-19, dont plus de 17’000 morts. Andrés Arauz, candidat de la coalition Union pour l’espérance (Unes, gauche), était arrivé en tête du premier tour avec 32,72% des voix, contre 19,74% à son rival du mouvement Créer des opportunités (Creo, droite), adepte du libre-échange.

«La situation est chaotique. Il n’y a pas de travail (…) nous devons changer», a déclaré à l’AFP Santiago Esteiner, 64 ans, électricien automobile, en votant pour Andrés Arauz. «Ce pays a besoin d’emplois», estimait aussi Enrique Lumaño, 34 ans, employé du BTP qui penchait pour Guillermo Lasso. Les résultats du premier tour avaient été contestés par Yaku Pérez, avocat indigène de gauche, arrivé troisième avec seulement 0,35% d’écart derrière Guillermo Lasso.

Sur fond de polarisation entre corréistes et anti-corréistes, son parti Pachakutik avait dès lors promu le vote nul, qui atteignait dimanche 16%, selon les résultats partiels publiés par le CNE, contre 9,55% en février. S’ils ne constituent que 7% de la population, les Amérindiens sont une force sociale redoutée. Ils ont organisé les violentes manifestations de 2019 contre l’austérité, qui ont fait 11 morts et plus de 1300 blessés, et ont contribué à renverser trois présidents entre 1997 et 2005.

Une gouvernance compliquée

Le directeur de l’institut Market, Blasco Peñaherrera, avait présagé d’un scrutin «incertain» en raison du grand nombre d’indécis. L’élection se jouait entre retour du socialisme et accentuation du virage à droite, entamé par Lenin Moreno au grand dam de son prédécesseur et ex-allié Correa.

L’ancien président, qui vit en Belgique, pays de son épouse, et a été condamné par contumace en 2020 à huit ans de prison pour corruption, a souhaité dimanche bonne «chance» à Guillermo Lasso, estimant sur Twitter que «son succès sera celui de l’Equateur». Lors d’un entretien avec l’AFP, Andrés Arauz s’était défendu d’être la marionnette de son mentor: «Celui qui gouvernera, ce sera moi!» Mais il a payé dimanche le fait de «ne pouvoir se décoller de l’image de Correa», a déclaré à l’AFP, Pablo Romero, analyste de l’université Salesiana.

Selon la professeure Wendy Reyes de l’université de Washington, Guillermo Lasso a réussi à «convertir les indécis», est «parvenu à se connecter avec cet électeur déçu du corréisme et de la politique en général». Il devra toutefois composer avec l’Unes qui, sans être majoritaire, s’est imposée comme première force parlementaire aux législatives de février.

Pour l’analyste Oswaldo Moreno, le vainqueur aura à «se concerter avec de nombreux acteurs», d’autant plus que le vote nul pourrait légitimer «de futures manifestations» affectant «la gouvernance». Yaku Pérez, dont le parti constitue le deuxième groupe au parlement mono-caméral, a averti que les indigènes maintiendront leur «résistance» si le prochain président ne défend pas l’environnement et n’accélère pas la vaccination contre le Covid-19.

(AFP)