Mort d’Idriss Déby: la France perd un partenaire incontournable au Sahel

 

La France a réagi, mardi 20 avril, à l’annonce du décès du président tchadien Idriss Déby, regrettant la perte « d’un ami courageux » qui a « œuvré pour la stabilité de la région ». Mais si, pour l’état-major des armées, celle-ci est toujours sous contrôle, les autorités françaises restent très attentives, car sur le continent africain, le Tchad est pour Paris un partenaire incontournable.

Le président Idriss Déby, « Idi », comme l’appelaient ses hommes, est donc mort des suites de ses blessures reçues alors qu’il commandait son armée dans des combats contre des rebelles dans le nord du pays durant le week-end. Idriss Déby, fidèle à sa réputation de chef de guerre, n’avait jamais rechigné à enfiler le treillis, toujours debout sur les pick-up et souvent même en première ligne depuis son coup d’État, le 2 décembre 1990, qui l’avait, avec l’aide de la France, conduit au pouvoir.

Le président tchadien était un combattant et il avait fait de son armée l’une des meilleures du continent. À telle enseigne que le bataillon tchadien de la force conjointe, espéré pendant deux ans et qui est arrivé il y a quelques semaines au Mali, dans le fuseau centre, pourrait changer la donne dans le Gourma où sévissent les groupes jihadistes.

Entre la France et le Tchad, des liens militaires anciens

À l’état-major des armées françaises, on a coutume de décrire le Tchad comme le coin supérieur droit du pré carré africain. S’il vacille, c’est tout l’édifice qui pourrait chuter. Depuis longtemps, la France a donc sécurisé cette zone clé. Le Tchad fait, en effet, partie des premiers signataires des accords de défense ratifiés par la France dans la période des indépendances. Des accords renforcés dès 1976 par une coopération militaire et technique.

La relation entre Idriss Déby et la France remonte, elle, aux années 1980. Paris prend alors fait et cause pour lui, lâchant Hissène Habré, le président en exercice. Après son accession au pouvoir en 1990, la coopération entre les deux pays s’intensifie. La France décide d’y positionner une partie de ses forces et, en 2014, d’installer le centre opérationnel de sa nouvelle opération, baptisée Barkhane, à Ndjamena.

En conséquence, la France volera à plusieurs reprises au secours d’Idriss Déby lorsque celui-ci sera menacé par les rebelles, comme en 2008 sous Nicolas Sarkozy ou sous la présidence d’Emmanuel Macron en 2019.

Cette étroite relation ne s’est ainsi jamais démentie. En 2019, six conventions de coopération bilatérale visant à moderniser et former les forces de sécurité tchadiennes ont été signées. Il s’agit d’une aide directe à Ndjamena, notamment dans le domaine du renseignement, en plus de l’appui que la France apporte à la force conjointe du G5 Sahel, dont le Tchad est l’un des principaux membres.

La force Barkhane effectue donc des vols de reconnaissance sur le territoire tchadien. Un appui aérien très utile pour contrer la menace des colonnes rebelles qui, régulièrement, descendent du Nord et menacent Ndjamena et en dernier lieu, si la situation l’exige, la chasse française peut aussi mener des frappes, comme elle l’avait fait, par trois fois, en février 2019.


La France regrette la mort « d’un ami courageux » et se dit attentive à la « stabilité » du Tchad

La France « perd un ami courageux » avec la mort du président tchadien Idriss Déby Itno, a annoncé ce mardi l’Élysée dans un communiqué, soulignant également l’importance d’une « transition pacifique » au Tchad, son allié au Sahel. Paris « exprime son ferme attachement à la stabilité et à l’intégrité territoriale du Tchad », poursuit l’Élysée dans ce message de condoléances.

« C’est quelqu’un qui nous a toujours aidé dans une région particulièrement fragile; c’est un homme très autoritaire, tout le monde le sait, mais à la tête d’un pays assez fragile donc c’était quelqu’un qui comptait dans l’échiquier politique de cette région. Je pense que le gouvernement et nos forces armées vont mesurer les difficultés nouvelles auxquelles on ne s’attendait pas. C’est une inquiétude pour l’avenir car à chaque fois qu’il y a un bouleversement dans l’un de ces pays, ce sont de nouvelles craintes que l’on peutr avoir. Les premières déclarations du conseil militaire font état d’élections dans 18 mois… 18 mois, c’est un petit peu loin », estime Christian Cambon, président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées du Sénat français. Sa mort peut-elle remettre en cause l’opération Barkhane, le dispositif militaire français au Sahel dont le siège est à Ndjamena ? Ce n’est pas le moment, affirme Christian Cambon.

Plus que jamais, la France doit maintenir ses engagements, elle ne restera pas éternellement […] C’est une tragédie bien évidemment, faisons en sorte qu’elle ne le soit pas pour le pays tout entier.

RFI