
Mercredi 23 juin 2021. Sous l’égide de l’Onu, une conférence est organisée sur la crise libyenne à Berlin, en Allemagne. Pour l’Onu, l’urgence aujourd’hui est le départ de tous les mercenaires qui se battent en Libye. Prenant part à cette deuxième conférence de Berlin après celle de janvier 2020, le chef du gouvernement de Tripoli reconnu par la communauté internationale promet l’organisation d’élections inclusives. Dès lors, une issue positive de ce conflit est-elle en perspective ? Surtout, le salut des Libyens viendra-t-il de Berlin ? L’interrogation est permise.
Le guide libyen, Mouammar Kadhafi avait sans doute raison d’affirmer qu’après lui, ce serait le chaos chez lui. La réalité sur le terrain lui donne, hélas, largement raison. Comme toujours, toute crise profite à certaines personnes. Ce conflit vieux de 10 ans nourrit beaucoup de monde. Depuis l’assassinat de Kadhafi le 20 octobre 2011, les Libyens s’entredéchirent pour le contrôle du pays ou plutôt pour le contrôle des puits du pétrole. Deux gouvernements s’imposent l’un à l’est, dirigé par le Maréchal Khalifa Haftar, l’autre à Tripoli, soutenu par la fameuse communauté internationale.
Si la Libye en est là, c’est-à-dire nulle part, la faute incombe, bien sûr, aux pays membres de l’Otan mais aussi aux Libyens, aux acteurs politiques. Ils n’ont pas réussi à s’entendre sur l’essentiel. La gestion de leur pays dans la concertation en mettant l’intérêt général au-dessus de tout autre intérêt particulier et égoïste. Les successeurs de Kadhafi ont failli et échoué, là où, le raïs avait réussi. Certes avec des méthodes peu orthodoxes et peu recommandables, il avait fait de son pays un Etat respecté et craint. Personne ne peut douter de l’amour qu’il avait pour la Libye. Régulièrement courtisé par les dirigeants étrangers notamment occidentaux, jamais Kadhafi n’a trahi ses compatriotes. On ne dira pas la même chose pour ses successeurs qui font le tour des capitales occidentales à la recherche de quoi exactement. C’est à se demander ce que les Libyens peuvent attendre de ces puissances qui ont détruit leur pays et ont fait assassiner leur guide ?
Depuis, les initiatives diplomatiques se multiplient. Rien qu’au courant de l’année 2020 deux conférences se sont tenues une à Berlin, une autre à Brazzaville. Le triste constat est qu’au sein de la communauté internationale les pays qui la composent chacun à ses intérêts en Libye. Des intérêts liés au pétrole dont regorge le pays. Toutes les diplomaties activées sont, en réalité, au service des intérêts particuliers des pays étrangers. De fait, quelqu’un se soucie-t-il vraiment de la vie des Libyens en particulier et des Africains du Sahel qui subissent les conséquences de la mort tragique de Kadhafi en général ? L’interrogation est également permise.
Les rebondissements observés au mois de janvier 2020 en disent long sur ce conflit d’intérêts auxquels se livrent les puissants de ce monde. Un peu discrets depuis le début du conflit, Russes et Turcs entrent en scène. La Turquie déploie des forces combattantes sur le terrain libyen en soutien au gouvernement de Tripoli. Pour l’Occident, la Turquie rêve de ressusciter l’empire Ottoman en Méditerranée orientale. Les Russes, eux, apportent leur soutien à l’homme fort de l’est, le maréchal Haftar. Face au danger de se retrouver nez-à-nez sur le terrain libyen, Russes et Turcs se rencontrent à Istanbul, début janvier 2020. À la sortie de cette entrevue, ils annoncent une trêve des combats. C’est une parfaite illustration de la situation hors de contrôle par les acteurs politiques libyens. Le sort de leur pays et de leurs concitoyens est discuté et décidé à Ankara, Paris, Rome, Berlin….etc. Loin de la terre libyenne et africaine.
Justement que dire de l’Afrique ? La Libye est un pays africain. Mais la diplomatie du continent est quasiment inaudible sur le dossier libyen. Et pourtant les Africains ont longtemps alerté. Toute résolution du conflit qui n’impliquera pas l’Afrique sera vouée à l’échec. Le président Denis Sassou N’guesso du Congo Brazzaville qui pilote la diplomatie de l’Union africaine sur le dossier libyen l’a toujours fait savoir, chaque fois qu’il en a eu l’occasion. Mais l’Afrique a-t-elle une position cohérente sur ce dossier ? Des sources diplomatiques renseignent que l’Algérie soutiendrait le gouvernement de Tripoli, alors que d’autres pays limitrophes de la Libye comme l’Egypte et le Tchad du vivant du président Déby, eux, soutiendraient le maréchal Haftar qui contrôle l’est de la Libye. C’est l’illustration des dissensions au sein des pays membres de l’Union africaine. La seule unanimité entre les dirigeants africains est leurs désaccords souvent sur tous les dossiers brûlants qui les concernent directement ou indirectement.
Au demeurant, la clé de la résolution du conflit libyen se trouve dans la volonté des Libyens à se retrouver dans la même pièce pour se parler. Surtout, il est souhaitable qu’enfin, émerge un homme ou une femme qui peut faire l’unanimité parmi les Libyens. Mais qui ? L’idéal serait qu’il/elle soit une personnalité qui brille par son indépendance et son intégrité. Une personnalité capable de prendre des mesures fortes, comme par exemple, refuser toute ingérence extérieure. L’Afrique a connu un précédent. Sous le leadership d’Eduardo Dos Santos, l’Angola a pris ses distances avec les émissaires de l’Onu. Il a éliminé politiquement, voire physiquement ceux qui refusaient la diplomatie locale, celle du dialogue national. Depuis le départ des fonctionnaires de l’Onu et la mort du rebelle de l’Unita, Jonas Savimbi abattu par l’armée nationale en 2002, l’Angola se porte bien. Lui qui a connu une décennie de guerre civile de 1991à 2002. La solution à la crise libyenne se trouve à Tripoli et nulle part ailleurs.
Pierre BOUBANE / Journaliste blogueur / www.ladiplomatidesopinions.com / Tambacounda.info /