Les réformes du système éducatif rwandais qui inspirent tout un continent

 

L’excellence du système éducatif rwandais tient à la vision politique du président Paul Kagamé, aux moyens techniques et financiers mobilisés pour réaliser cette vision, à l’anglais, à la révolution numérique, et enfin, à la discipline du peuple rwandais. Aujourd’hui le pays des mille collines est devenu pour l’Afrique noire francophone ce que la tête est pour le corps : le cerveau qui pense.

C’est un constat. De jeunes Tchadiens, Sénégalais, Maliens, Ivoiriens, Camerounais prennent encore la direction des écoles françaises pour compléter leur formation intellectuelle. Ces jeunes y vont, parfois bon gré malgré eux, parce que dans leurs pays respectifs le système éducatif est sinistré. En effet, dans la plupart des pays subsahariens l’école souffre de maux divers et variés : déficit ou manque d’enseignants qualifiés dans le primaire et le secondaire, manque d’infrastructures scolaires, faible budget alloué à l’éducation nationale, irruption de la politique dans les campus universitaires, absence d’une politique éducative dynamique…etc. Ceci entraînant cela, le calendrier scolaire et universitaire est rythmé par des mouvements de grèves tous azimuts. Le niveau scolaire des élèves et des étudiants est en chute libre. A ces maux il faut ajouter l’omniprésence des langues dites maternelles dans les cours de récréations et parfois dans les salles de cours. A cause de l’usage permanent de ces langues la maîtrise du français et/ou de l’anglais qui sont censés être les langues d’enseignement – héritage de la colonisation oblige-, constitue un vrai handicape pour les jeunes apprenants. Certes, en tant qu’Africains, nous ne saurions nous ériger contre le bilinguisme, voire le trilinguisme avec l’introduction des langues africaines à l’écoles, mais certainement pas sans discernement. Le Rwanda semble avoir réussi à faire la bonne combinaison de tous ces paramètres. Son modèle éducatif fonctionne au point de devenir une référence pour les autres pays d’Afrique. Quel est donc son secret, s’il y en a un ?

 

La clef de réussite du système éducatif rwandais

Pendant plus d’une décennie le système éducatif rwandais balance entre deux traditions : francophone et anglophone. Le système « francophone » en vigueur avant le génocide de 1994 est caractérisé par la diversification des matières au secondaire. Toutes les sections ont trois cours d’option, trois cours de culture générale – dont l’histoire, la géographie et l’éducation civique –, et trois cours des sciences. À cela s’ajoute des cours d’ordre général, comme la religion et l’éducation physique, l’économie domestique et l’écologie. La seconde tradition, inspirée des pays anglophones de l’Afrique de l’Est est caractérisée par la réduction du nombre des matières au niveau primaire et par la focalisation sur trois matières spécifiques, en fonction des sections disponibles au secondaire. C’est en 2009 que le gouvernement se fixe comme objectif d’insuffler une nouvelle dynamique dans le secteur de l’éducation. L’architecte de ce projet n’est autre que le président de la République lui-même. Paul Kagamé a une vision et un objectif clairs : développer le Rwanda en misant sur l’éducation et la formation de la population, notamment celle des jeunes. Il augmente le budget de l’Etat dédié au secteur de l’éducation. Dix ans plus tard le résultat est satisfaisant. Le pays enregistre une progression significative du niveau scolaire.

 

L’anglais et le numérique

L’autre révolution opérée par le Rwanda à partir de 2007 est l’adoption de l’anglais comme langue d’enseignement. Ceci à la faveur de son entrée dans la Communauté des États de l’Afrique de l’Est. Quatre matières principales sont enseignées au premier cycle du primaire. Il s’agit de l’anglais, du Kinyarwanda, des mathématiques élémentaires et des social studies. Les autres matières dont la religion, la musique, le modelage, les activités culturelles et les travaux manuels se partagent quatre heures par semaine. Au niveau du deuxième cycle le cours de technologies élémentaires y ajouté. Hormis les cours de langues les matières sont enseignées en kinyarwanda au premier cycle et en anglais au deuxième cycle. Au secondaire la configuration présente une combinaison de trois matières par section. Le domaine des sciences humaines comportant cinq sections :

  • Histoire-économie-anglais ;
  • Anglais-économie-géographie ;
  • Histoire-économie-géographie ;
  • Anglais-français-kinyarwanda ;
  • Anglais-kiswahili-kinyarwanda.

Le domaine des sciences propose six sections. Chaque section ouvre la voie à deux ou trois facultés universitaires exigeant un background dans au moins une des trois matières couvertes. Des changements sont aussi opérés dans la formation des enseignants. Dans l’ancien système, chaque enseignant du primaire recevait une formation générale couvrant toutes les matières à enseigner et tenait seul sa classe. La nouvelle réforme introduit la « spécialisation » au niveau primaire. Les candidats admis dans les Teacher training centres (TTC) choisissent désormais entre trois types de formations : les sciences pures, les social studies ou les langues. Le Rwanda est, depuis lors, l’un des pays subsahariens les plus avancés dans le domaine du numérique. Le signe de ce dynamisme est que le pays cristallise l’attention des partenaires techniques et financiers internationaux. Selon une information de financialafrik.com Green Digital Financial Alliance (GDFA) et Kagali International Finance Center (KIFC) vont lancer un programme pilote qui développera des outils qui permettront aux banques de mesurer l’impact de leurs investissements dans les petites et moyennes entreprises (PME). L’article précise que le Rwanda sera le premier pays en Afrique subsaharien à « développer et à tester le nouvel outil innovant tirant parti de la technologie numérique en place ».

Une école à deux vitesses

Des observateurs comme Colette Braeckman, journaliste au quotidien belge Le Soir estime que l’école rwandaise fonctionne à deux vitesses. Il y a « une espèce de dichotomie entre l’école publique qui ne serait pas de très bonne qualité et les écoles privées payantes qui se sont multipliées dans le pays ». Il y a deux niveaux d’enseignement. Sa conclusion est que sur le plan social cela peut provoquer certaines rancœurs. L’autre critique émise est que l’apprentissage obligatoire de l’anglais comme langue principale a eu des effets négatifs. Selon la journaliste belge citée par la radio allemande DW : « la mesure du passage à l’anglais ayant été obligatoire, les enseignants n’étaient pas préparés à enseigner dans une autre langue que le français ».

Au demeurant, l’exemple rwandais montre à suffisance qu’une vision politique, des moyens financiers conséquents et une discipline sont nécessaires pour donner une orientation et un dynamisme à toute réforme quelle qu’elle soit. Le Rwanda l’a fait. Le Rwanda séduit sur tous les secteurs de développement humain dont celui de l’éducation en particulier et de la formation en général.

 

Pierre Boubane /