Retour des Tirailleurs au Sénégal : L’hommage aux braves

 

 

Fraîchement descendus d’avion, les neuf tirailleurs rentrés de France pour s’installer définitivement au Sénégal ont été reçus au Palais présidentiel par le Chef de l’État, Macky Sall qui les a élevés à la dignité de Grand officier dans l’Ordre national du Lion et de Grand-Croix dans l’Ordre du Mérite. Des distinctions en reconnaissance des sacrifices de ces anciens combattants pour la défense de la liberté. 

Ils avancent à pas lents sous les regards admiratifs des convives qui ont rempli le chapiteau niché à l’arrière-cour du bâtiment principal du Palais présidentiel. Sur leurs frêles épaules, le poids de l’âge et de l’histoire qu’ils ont contribué à écrire au prix de leur sang et au péril de leur vie, au nom de la France confrontée aux velléités indépendantistes des peuples indochinois puis algériens. Eux, ce sont les neuf tirailleurs sénégalais rentrés de France, hier. Derniers témoins et acteurs d’un passé révolu mais dont les échos continuent de nourrir le présent, les innombrables médailles qui ornent leur poitrine célèbrent des instants de bravoure sur des fronts hostiles. Depuis hier, la collection de chacun d’eux s’est enrichie d’une décoration de plus. Celle-ci a une saveur particulière parce que décernée par leur pays d’origine. Á travers le Chef de l’État, Macky Sall, la République s’est pliée en quatre pour honorer ses fils parmi les plus courageux. Il a élevé huit parmi eux à la dignité de Grand officier dans l’Ordre national du Lion et décerné la médaille de Grand-Croix dans l’ordre du Mérite au neuvième. Parallèlement, Aïssata Seck, Conseillère régionale d’Ile-de-France et Présidente de l’Association pour la Mémoire et l’histoire des tirailleurs sénégalais, « pour le combat inlassable qu’elle continue de mener pour la défense des droits de nos anciens combattants », a été décorée de la médaille de Commandeur dans l’Ordre national du Lion par le Chef de l’État.

Le retour, une dette que devait la France 

Parlant au nom des récipiendaires, Yoro Diao, a remercié le Président Macky Sall pour l’honneur qu’il leur a fait, eux qui restent la troisième et dernière génération de tirailleurs sénégalais, un corps dissous au début des années 1960. D’une voix nostalgique, le vieil homme, qui fut infirmier major dans l’armée française, est revenu sur son histoire personnelle qui, en réalité, est celle de tous les anciens combattants sénégalais qui ont servi sous les couleurs de la France. Selon lui, les efforts financiers faits par l’État français pour faciliter leur retour définitif au Sénégal, où ils peuvent rester désormais définitivement tout en continuant à percevoir leur pension, est une dette que leur devait bien la France car les « tirailleurs ont tout donné à ce pays ». Ce n’est pas pour autant que le natif de Dagana en 1932, qui a combattu en Indochine de 1950 à 1955 puis en Algérie en 1956, après un passage en Corée en 1952, voue aux gémonies son pays d’adoption. Non, à ses yeux, la France a contribué à construire le Sénégal.

Pour le Président Macky Sall, cette cérémonie a valeur d’exercice de mémoire, « en reconnaissance des sacrifices immenses de tous nos anciens combattants pour la défense de la liberté » mais aussi de réparation des injustices subies par les tirailleurs sénégalais. Pensions inégales, avancements lents et bloqués, placement sous les ordres de métropolitains moins gradés, impossibilité de commander des troupes non indigènes, mess séparés, voyages sur des bateaux différents. Sans oublier l’horreur des exécutions sommaires au Camp de Thiaroye, le 1e décembre 1944, la série de discriminations est longue. « Rappeler l’histoire, toute l’histoire, sans trou de mémoire et sans ressentiment, c’est rappeler que les valeurs de paix, de liberté et d’égale dignité sont d’essence universelle, parce qu’elles sont attachées à la nature humaine. Ainsi, chers anciens combattants, en vous souhaitant la bienvenue, nous célébrons aujourd’hui une injustice réparée parce que vous pouvez, enfin, vivre chez vous en famille, et continuer de percevoir l’intégralité de vos pensions. Ce n’est que justice », a déclaré le président de la République. Á ses yeux, la mesure dérogatoire décidée par le Gouvernement français, qui permet aux tirailleurs sénégalais de vivre en permanence dans leur pays d’origine, sans perdre leur allocation minimum vieillesse « va dans le sens de l’histoire ».

Elhadji Ibrahima THIAM – lesolail.sn /