Le Sénégal a été témoin d’une vague croissante de fausses nouvelles, qui peuvent saper la démocratie et influencer indûment le résultat des élections.
LE PHÉNOMÈNE DE FAUSSES NOUVELLES ?
La diffusion de fausses nouvelles et de désinformations peut ainsi constituer une menace grave pour l’intégrité du processus électoral. Cette distorsion peut fausser les résultats des élections, mettant à mal le principe de fair-play qui est au cœur des processus démocratiques. D’ailleurs, c’est ce que Mamadou Seck, expert électoral, assure : « Le processus électoral comporte des étapes essentielles qu’il faut respecter tant par les autorités en charge de la gestion du processus, par les partis politiques, que par les citoyens. Généralement, les fake news impactent plus les citoyens qui n’ont pas toujours la bonne information et qui constituent pourtant la cible principale sans laquelle un processus électoral ne peut être qualifié de crédible, inclusif et participatif. » Mais pour le Professeur Ibrahima Bakhoum, Journaliste et politologue, « les risques seraient effectivement qu’on va détruire quelqu’un, une personne ou un groupe, un parti en inventant sur son compte, ou alors, on va promouvoir quelqu’un en inventant toujours de la même façon, mais avec un autre objectif d’en faire un bon, un meilleur, un pur et le plus sachant, alors que parfois ce n’est pas tout cela. Mais quand on a réussi à construire cela dans l’opinion, ça peut amener les gens à voter du faux, mais sans savoir que c’est du faux ».
Les risques pour l’élection présidentielle de 2024 et les conséquences?
Quand la désinformation exacerbe les troubles ethniques et autres manifestations
Poursuivant son propos, M. Bakhoum assure que les opinions sont souvent préparées à recevoir ce genre d’informations. « Si nous partons de ce qui s’est passé avec cette histoire, de Cour Suprême a-t-elle ou n’a-t-elle pas rejeté le jugement du tribunal de Ziguinchor concernant Ousmane Sonko et sa réintégration sur le fichier électoral, cette affaire a été rendue possible parce que des esprits très fortement dans l’opinion étaient préparés à recevoir cette information et uniquement cette information, si c’était avéré, une bonne partie de l’opinion sénégalaise attendait, donc c’était très facile de manipuler de ce point de vue, de leur dire quelque chose qui ressemble à ça et tout le monde saute. Donc ce qui propage ces fakes news, c’est qu’ils ont à la fois les moyens, les cibles, mais aussi, ils profitent de la crédulité des gens dans une période de tension… », se désole le journaliste.
Les fausses nouvelles et la désinformation peuvent également déclencher des troubles civils. Lorsque les gens sont induits à croire de faux récits, ils peuvent se sentir obligés d’agir sur la base de ces croyances. Cela peut conduire à des manifestations, à des violences, voire au chaos. Dans le contexte d’une élection, de tels troubles peuvent perturber le processus électoral et déstabiliser le pays. Pour Mamadou Seck, expert électoral, la désinformation ne s’arrête pas là, elle peut décourager les citoyens et les conduire à boycotter le vote. « En réalité, les fake news peuvent causer une désinformation et donc une forclusion par exemple des citoyens à l’occasion d’étapes essentielles du processus. De même, de fausses informations peuvent décourager la participation et donc ruiner tous les efforts fournis pour la bonne gestion du processus. À l’arrivée également, si on suit la logique, cela peut aboutir à des légitimités fragiles des élus et donc à des risques d’instabilité institutionnelle, à des risques de crise de gouvernance », lance l’expert électoral.
Rôle des journalistes dans la lutte contre la désinformation
Par contre, Mamadou Seck, expert électoral, voit autrement. « Plusieurs déterminants à ces fausses informations. Elles peuvent être la cause d’un manque de maîtrise de la matière électorale et du processus électoral par les journalistes. Cela peut être aussi fait à dessein par certains acteurs, souvent d’ailleurs pas forcément des journalistes, mais des structures ou cabinets “noirs”, parfois agissant sur commande. Aux États-Unis, ce phénomène est très courant, car il est permis par les lois électorales de faire de la contre-propagande et donc de faire de la désinformation contre son challenger politique. Mais au Sénégal, toute fausse information diffusée est en porte-à-faux avec la loi et impacte négativement le processus », regrette Mamadou Seck.
À cet effet, monsieur Bakhoum avec sa casquette de journaliste expérimenté demande à ses collègues d’être plus prudents face aux fakes news. « Donc ce qu’on demande au journaliste, c’est d’être simplement beaucoup plus prudent encore, de faire attention, mais surtout de refuser d’être les porte-voix de gens qui cherchent à manipuler l’opinion en inventant des choses contre des adversaires, en enjolivant des choses pour leurs partenaires, pour leur candidat, alors que c’est complètement faux », met en garde Ibrahima Bakhoum à l’endroit de ses collègues journalistes.
La lutte contre les menaces liées aux fakes news et à la manipulation de l’information reste un défi majeur vers l’élection présidentielle de 2024 au Sénégal. Ainsi, il est nécessaire d’informer le public sur les risques de fausses nouvelles et de manipulation, en mettant en place des campagnes de sensibilisation pour encourager la vérification des faits et la prudence vis-à-vis des informations non vérifiées…
Alain Bonang
dakaractu.com |