Koumpentoum : les populations de Kaba broient du noir

Les populations de Kaba broient du noir. Elles sont vraiment fatiguées. Elles manquent de tout ou presque. De l’eau courante en quantité suffisante, de l’électricité, du matériel d’allègement des travaux des femmes, des routes… il n’y a rien à Kaba. Les conditions de vie y sont moyenâgeuses. D’où leur marche pour lancer un appel au président de la République et au ministre Sidiki Kaba, pour une réaction urgente.

S’il y a une localité où les populations sont réellement fatiguées, c’est bien Kaba. Dans cette contrée du Niani où vivent plusieurs milliers d’âmes, les conditions de vie et de travail sont très difficiles. La localité est située dans le département de Koumpentoum, dans la commune de Kahène. Il faut juste moins de 30 km pour rallier le village et cela, via Koungheul. Cependant, c’est un véritable parcours du combattant. Il faut de l’endurance et beaucoup de témérité pour faire le trajet, tellement c’est chaotique. Les journalistes appelés à couvrir leur marche de protestation ont galéré pour accéder à ce village.
Sur place, le constat est amer. Tout ou presque y est urgence. Les populations sont confrontées à toutes les difficultés du monde. Il n’y a pas d’eau courante en quantité suffisante. «La Soges, responsable du forage, gère mal», ont-elles fulminé. Si une panne de moteur n’est pas signalée, c’est le manque de gasoil qui est servi. «Du vrai amateurisme», déplorent les populations, outrées par cette situation. L’électricité y est encore un luxe, bien qu’il soit le plus gros village de la contrée. Les habitants s’éclairent toujours à la bougie et autres lampes-tempête, brandies pour la circonstance. Les plus nantis utilisent l’énergie solaire. Tout le reste vit dans le noir, une fois les derniers rayons du soleil partis. Conséquence, l’économie y est au ralenti. Aucune possibilité d’y développer des Agr, s’est outrée Mme Guissé, une quinquagénaire qui a parlé au nom des femmes. «Nous nous demandons si nous faisons partie des Sénégalais. Nous sommes vraiment fatiguées», s’est-elle étranglée, appelant avec insistance Sidiki Kaba pour qu’il leur vienne en aide.
Les jeunes, eux, vivent quasiment le Moyen Age. Ils sont sans emploi, sans financement, sans formation. Des infrastructures sociales de base, ils n’en disposent pas. Même l’école élémentaire, qui fait d’excellents résultats, compte encore des abris provisoires en son sein. Comble de tout, l’état défectueux de la route. Les trente kilomètres qui relient Kaba à Koungheul, sont un véritable parcours du combattant.

Une contrée oubliée 
Les manifestants ont donc battu la piste, faute de macadam, pour se faire entendre. Diabou Cissé, directrice de l’école du village, a porté leur parole. Elle s’est dite agacée par la situation de la localité. «C’est le plus gros village de la commune, voire du département. Malheureusement, il est oublié des projets et programmes de l’Etat. Rien n’a été fait par l’Etat, encore moins par les autorités locales. Vous avez vu l’état de la route et les conditions d’existence des populations», a martelé la brave dame, s’adressant aux journalistes. Les femmes continuent de s’approvisionner en eau dans les puits, elles n’ont aucune possibilité de développer des activités génératrices de revenus du fait du manque de financement et d’accompagnement. Les jeunes garçons idem. Du côté de la santé aussi, c’est presque le même constat. Pour accoucher, l’infirmier et la sage-femme utilisent parfois leurs portables. Toute chose qui fera dire au porte-voix des manifestants qu’ils vont sanctionner le régime en place si aucune action n’est entreprise d’ici l’élection. «Si l’Etat ne fait rien d’ici l’élection présidentielle, nous boycotterons les urnes», avertit Diabou Cissé.
Babacar Diallo embouchera la même trompette. Il a d’entrée interpellé le ministre Sidiki Kaba. «Vous êtes le porte-étendard de la région. Pensez aux populations du village de Kaba qui sont fatiguées. Sans quoi, nous sanctionnerons le régime en place», a fulminé le jeune Diallo.
Il a déploré la mort, l’année dernière, d’une femme qui avait accouché de jumeaux, au cours de son évacuation. «Tout ça du fait de l’état défectueux de la route. Vouloir évacuer un malade par la route, surtout en hivernage, c’est signer son arrêt de mort», a dénoncé Babacar Diallo. Appelant de toutes ses forces les pouvoirs publics à refaire la route sans délai. «Nous sommes fatigués, nous avons besoin d’eau et d’électricité», a scandé toute la procession. Les populations sont vraiment fatiguées et ne savent plus à quel saint se vouer, ont-elles fait savoir.