Incursion en Pays Baoulé : À la découverte de Bomizambo, terre de légende des pagnes tissés.

 

 

Bomizambo est célèbre à cause d’un savoir ancestral. C’est en effet une petite bourgade située au centre de la Côte d’Ivoire, à 34 km de Yamoussoukro, dans le département de Tiébissou. Bomi est réputé pour ses légendaires pagnes tissés, plus connus sous l’appellation de pagne Baoulé. Des pagnes fabriqués par le peuple Baoulé, ethnie majoritaire en Côte d’Ivoire (30% de la population). Les tisserands de Bomi sont de véritables artistes qui donnent vie au patrimoine artisanal ivoirien. Emedia vous plonge dans l’univers de cette cité où le travail est fait avec la méthode ancestrale, par des mains expertes. Reportage.

Samedi 27 janvier 2024. Journée off pour les journalistes qui couvrent la Can orgaisée par la Côte d’Ivoire. Pas de match, pas d’entrainement ouvert de la tanière d’Aliou Cissé. En surfant sur la carte de la ville de Yamoussoukro, un village capte l’attention. Bomizambo, un lieu où l’on tisse le pagne Baoulé qui est l’un des plus beaux tissus africains. Notre curiosité nous amène en cette matinée ensoleillée dans ce village situé à 34 km de Yakro, dans le département de Tiébessou. Un passage dans ce hameau nous a permis de nous incruster dans l’univers des tisserands de Bomi. «Pour s’y rendre, c’est en bus que le trajet se fait. Et c’est entre 1000 F et 1500 F pour le transport. Mais tu risques de passer toute la journée avant d’arriver», souffle un policier croisé sur la route, au quartier Riviera. Avant de suggérer de prendre un Yango. Mais, là aussi, il faut débourser au minimum 12 500 F en aller simple. On découvre sur la route de Bouaké, la beauté de la ville, gâtée par la nature, avec une forêt dense. Et à perte de vue, ce sont des plantations, des bananeraies, des cocotiers, des papayers. «Une terre bénite», lance Kodio. Au bout de quelques minutes, le chauffeur emprunte une piste avec quelques nids-de-poule. La poussière envahit la voiture, mais ce n’est que de courte durée. Après avoir dépassé les villages de Lolloblo, Ingri, Tiébessou, nous sommes enfin à Bomizambo, au centre de la Côte d’Ivoire, près de la capitale politique Yamoussoukro.

On vient de boucler juste 45 minutes de parcours. Ici s’impose l’art du tissage Baoulé des tissus «Made in Côte d’Ivoire». Une pancarte indique la présence de la coopérative. Un préau imposant et un showroom d’exposition-vente de tous les tisserands. «Sur chaque vente, un pourcentage est prélevé par la coopérative et le reliquat reversé au propriétaire», chuchote le taximan qui semble s’y connaître. Dans un grand espace, à perte de vue, le village est animé, les femmes s’affairent à leur cuisine. Pendant ce temps, des enfants découpent des bandes de tissus pour former un pagne. Des tisserands de tous âges (de 7 à 77 ans), tissent inlassablement. Tous assis sur une planche en bois, les pieds sur les pédaliers, ils effectuent des allers-retours incessants avec leurs mains, tenant fermement une navette en bois poli. D’autres sont assis par terre à former les bobines de fil. Comme une symphonie, tout le corps est en animation, laissant même quelques gouttes de sueur qui perlent leurs corps et leur visage. Chacun y retrouve son goût. Il y’a toutes sortes de couleurs chatoyantes et des motifs uniques, bariolés qui laissent pantois.

«Terre de bonheur»

À Bomizambo, terre de légende des pagnes tissés, dans l’antre de ces tisserands, un groupe de jeunes garçons de petite taille, mais costaud, nous accueille avec un sourire. «Vous êtes des Sénégalais ? Ah ! Nous sommes fans de Sadio Mané et on sait que vous allez nous taper, mais il ne faut pas nous humilier» (la visite a eu lieu avant le match Sénégal-Côte d’Ivoire). Mais un jeune artisan, chétif, attire l’attention. Il se nomme Bonaventure. Ses yeux sont rivés sur son travail manuel. Il termine une écharpe de couleur bleu-Mitterrand, avec des bandes à rayures roses. Après les civilités, l’un des tisserands, d’un âge plus avancé que tous les autres, est surnommé «l’aîné». Il explique l’appellation Bomizambo. Il confie que le nom de cette bourgade à une signification bien particulière. Car, selon la légende, raconte-t-il, un homme parti à la chasse découvre des palmiers abattus par des éléphants. Il fait le constat de ce que ces éléphants avaient consommé au cœur de ces différents palmiers. «A sa grande surprise, il en est sorti un liquide sucré. Le chasseur décida alors de se construire un campement. Vu que ce campement se nommait «bomi», toutes les personnes désireuses de s’y rendre disaient en langue locale baoulé n’kô gbomi n’zan bo lô. «je vais au palmier de gbomi». D’où le nom Gbomizambo qui, par la suite, deviendra Bomizambo par déformation», renseigne-t-il, avant d’ajouter que ce lieu est appelé «Terre de bonheur».

À l’en croire, cet art de tisser transmis de père en fils depuis des générations, était réservé à une certaine catégorie de la société. «Seuls les hommes tissent. Les femmes n’ont pas droit de le faire. C’est la tradition à Bomi», précise-t-il en soulignant que ce pagne traditionnel est porté aussi bien par les femmes que les hommes en toutes cérémonies.

«Seuls les motifs sont variés, avec des couleurs diversifiées, des tarifs qui oscillent entre 15 000 et 120 000 FCFA. Le pagne destiné aux femmes est tissé et reconnu par les 20 bandes et la longueur qui n’excède pas un mètre et 90 centimètres. Par contre, celui des hommes est plus long, il mesure environ 3 mètres, et 20 centimètres. Il est reconnaissable par sa longue bande», renseigne-t-il. Parlant de la confection, il note que le pagne Baoulé se fait à base de coton, de soie ou de polyester, dans une grande diversité de couleurs et de motifs chatoyants. Et ces pagnes ont des noms significatifs. «Le Petan symbolise le reboisement. C’est dans le temps où Houphouët Boigny, dans le but d’encourager au reboisement, qu’il a été créé. Andialido, c’est le mariage à son temps. Le tissu en vert noir, bande blanche, s’appelle ‘’Abidjan n’est pas forcé’. Cela veut dire que tu ne te sents pas bien là où tu es, rentres chez toi», ajoute Antoungbre Richard, un tisserand et membre de la coopérative.

Adama Aïdara KANTÉ / emediasn