[CONTRIBUTION] VIVE LA RÉPUBLIQUE (Niaga BACAPA Fonctionnaire à la retraite à Tambacounda)

 

A l’aube de la 2ème République, les sénégalais se frottent encore les yeux, qui, bien qu’alourdis et embrumés par 4 années épouvantables, brillent à la fois de soulagement et d’espoir. Tout en baillant, Ils s’étirent les membres, préparant ainsi leurs corps et leur esprit, -ankylosés et engourdis par des années de torpeur- à participer pleinement à la concrétisation du « Projet ».

Mais à peine eurent-ils terminé de se débarbouiller, que des sons fétides, affreux, leur parviennent faisant écho à des comportements et actes déplorables rappelant tristement le souvenir douloureux des 4 dernières années.

Il nous faut donc urgemment, hic et nunc, débusquer et dénoncer ces politiciens et leurs thuriféraires mal inspirés, -pour dire le moins-, qui gâchent le temps de relax que les sénégalais voulaient se donner après ces années de fureur et de malheur, en tentant pernicieusement de leur faire vivre encore une saison d’invectives, d’insanités et d’incivilités. Ils veulent vicieusement nous installer dans une atmosphère délétère permanente, propice pense-t-ils à leurs affaires mais naturellement préjudiciable à la santé politique, sociale et économique du pays, car comme nous l’apprennent les spécialistes en hygiène- environnement : Une fois qu’on a pris l’habitude de vivre dans la saleté et la puanteur, il arrive un jour où l’on ne s’aperçoit plus qu’on n’est complétement intoxiqué.

Le poulinage de la 2ème République a été difficile, atroce même ; il a déchiré la mère- patrie, provoquant ainsi le développement de factions dans la société qui, à en croire James Madison, l’un des pères de la constitution américaine, sont « le risque le plus grave qui menace les démocraties ».

Si l’on sait qu’il définissait déjà en 1787, la faction comme « un certain nombre de citoyens formant la majorité ou la minorité, unis et dirigés par un sentiment commun de Passion ou d’intérêts contraires aux droits des autres citoyens ou aux intérêts permanents et généraux de la communauté », l’on est enclin à penser au regard de ce qui se passe aujourd’hui dans ce pays que le danger est à nos portes et que le Sénégal n’est pas loin de cette situation fâcheuse. Madison ajoutait, pour mieux étayer sa thèse que « La liberté est à la faction ce que l’air est au feu ». A l’époque, dans les milieux démocrates américains, ces propos firent scandale au point qu’il fut obligé de les édulcorer : « cela ne serait pas une moindre folie que d’abolir la liberté, qui est essentielle à la vie politique parce qu’elle alimente la faction, que de souhaiter la privation d’air qui est essentiel à la vie humaine, parce qu’il donne au feu sa force destructrice » écrivit –il alors.

C’est pour dire que la liberté dans une République naissante ou « renaissante » est une vieille problématique qui a toujours hanté les citoyens, les penseurs et les dirigeants.

A cette discussion, il serait bien de convoquer Victor Hugo qui, sur ce sujet, martelait :

« Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité. Etre libre rien n’est plus grave. La liberté est pesante ; toutes les chaines qu’elle ôte au corps, elle les ajoute à la conscience ; et dans la conscience, le droit se retourne et devient devoir ». A la liberté, élément essentiel de la démocratie Athénienne, Victor Hugo ‘’collait ‘’ donc la responsabilité qui elle, renvoyait à l’éthique républicaine de la Rome antique ; de ce qui précède, William Everdell, l’un des plus grands spécialistes de la constitution américaine déduisit en 1987, que « La république est une démocratie qui assure le contrôle de l’effet des factions sans détruire la liberté ». Pour réussir cette délicate mission, en plus de l’éthique fondée sur des vertus comme le culte de la chose publique, la tolérance, la sobriété et le dévouement, la république doit se doter d’un corpus juridique alliant droit et devoir, liberté et responsabilité.

Cet art permanent de l’équilibrisme, une République qui, ontologiquement ne la possède pas, s’auto détruit. Cela a été le cas après la 1ére guerre mondiale, de la République de Weimar qui a abouti à la désignation somme toute démocratique d’Hitler comme chancelier en 1933 alors qu’il avait déjà publié Mein Kampf contenant toutes ses théories nauséabondes sur les races et les peuples.

Cela ne saurait être le cas de notre pays qui, à l’échelle du continent est une démocratie majeure. Il a juste intérêt à davantage se « républicaniser » ; c’est-à-dire que la mystique de la chose publique soit mieux partagée, que le citoyen soit mieux respecté et protégé, qu’on tende plus vers une gouvernance des Lois à la place de celle des hommes. Se républicaniser davantage exige aussi que la démocratie représentative sur laquelle s’appuie notre République produise des institutions solides et respectées, animées par des citoyens légitimes, honnêtes, compétents et engagés.

A cet égard, les dernières supputations autour de la déclaration de politique générale (DPG) nous inquiètent et nous font penser que le Gatsa-Gatsa cherche maintenant à s’implanter bruyamment dans les institutions dont la perversion a atteint des sommets avec une Assemblée Nationale qui falsifie des lois. Décidemment, le mal est profond ; ce qui devrait pousser les nouvelles autorités à plus de sérénité et de lucidité car il est de leur responsabilité d’arrêter la chienlit qui se développe dans ce pays.

C’est pourquoi, j’ai apprécié leur réaction musclée en réponse aux insanités, aux atteintes à l’honneur des gens respectables, aux élucubrations malsaines autour de la mutation d’un officier général. Mais elles-mêmes doivent aussi savoir qu’on ne gouverne pas dans le vacarme.

Le Verbe Pastéfien, haut, incisif, mordant, pour ne pas dire insolent (qui avait peut- être le prétexte d’être celui de la résistance) qui leur a permis d’accéder au pouvoir, ne

saurait gouverner. De même, il est bon que les anciens tenants du pouvoir sachent que ce qu’on a perdu dans le bruit ne se récupère pas par le bruit.

Nos politiciens malheureusement dans leur immense majorité semblent ignorer les préceptes du sage Afghan Rùmi qui disait à un de ses disciples un peu trop agité : « élèves tes mots, pas ta voix. C’est la pluie qui fait grandir les plantes, pas le tonnerre».

Notre coutume républicaine, les principes d’une démocratie représentative consacrés par la constitution sénégalaise exigent, donc du Premier ministre qu’il fasse sa déclaration de politique générale devant l’assemblée nationale.

Envisager de la faire ailleurs c’est aussi vouloir falsifier le règlement intérieur de notre République. C’est aussi du Gatsa Gatsa. Mais c’est surtout du Bonapartisme, ce qui est aux antipodes de l’esprit d’une démocratie représentative, qui voudrait que même les adresses à la nation du Président de la République fussent parcimonieuses et inscrites dans des solennités particulières, à fortiori le Premier ministre que la République ne reconnait ès qualité que grâce à un décret présidentiel confirmé par un vote de confiance des députés.

La disposition institutionnelle et le rituel républicain qui l’exigent, octroient à la déclaration de politique générale, un caractère solennel qui en fait naturellement un moment fort de notre démocratie. Notre République a grandement besoin aujourd’hui de ces temps précieux qui permettent à nos hommes politiques de se parler directement et officiellement.

En effet, la parole politique s’est tellement affaissée ces dernières années, que beaucoup d’énergumènes, encouragés et même parfois attirés par la vacuité et la misère du débat public, se sont infiltrés dans l’espace politique, ont renforcé le discrédit des habitants légitimes pour mieux les supplanter graduellement et ont envahi aujourd’hui toutes les sphères de la vie économique et sociale du pays.

Des échanges institutionnels et formels entre « Véritables hommes politiques » sont donc le meilleur moyen d’identifier et de neutraliser ces clandestins de la politique qui ont d’autres ambitions que la gestion saine de la cité.

Encore faudrait-il, que ces échanges soient empreints de cordialité et de civilité, qu’ils promeuvent la tolérance, la sobriété, le dévouement à la chose publique, et qu’ils contribuent in fine à la consolidation et au renforcement de la République.

Niaga BACAPA Fonctionnaire à la retraite à Tambacounda