
Tambacounda, 12 mai (APS) – L’école élémentaire Batou Diarra de la commune de Tambacounda, un des premiers établissements d’enseignement primaire du Sénégal oriental, est aujourd’hui confrontée à une sérieuse vétusté, un manque d’espace et une absence de cadre d’études idéal.
Il est 11 heures dans l’enceinte de l’établissement, l’heure de la récréation annoncée par le tintement de la cloche. Aussitôt les élèves se précipitent dans la cour, sans trop se soucier de la vague de poussière, qui a envahi toute la ville de Tambacounda, emmené par un vent frais.
Classée patrimoine mondial de l’UNESCO, l’école primaire Batou Diarra, ancienne école régionale, se trouve au cœur de la ville, à un jet de pierre de la préfecture et de la gouvernance.
Cet établissement qui, au fil des années, a formé d’éminents cadres de la République dont deux anciens Premiers ministres de la République, Me Sidiki Kaba et Mme Aminata Touré, croule sous le poids des ans.
En atteste le triste décor constitué de salles de classe dont la construction remonte à 1918, des toits qui s’envolent en période d’hivernage, un mur de clôture qui tient à peine et une partie des toilettes totalement utilisable.
S’y ajoute le surnombre d’élèves dans les salles de classe, un cadre d’études pour les élèves, le personnel enseignant quasi-inexistant et une insécurité qui perturbe la quiétude des pensionnaires et du personnel de cet établissement historique.
Malgré ces difficultés visibles dès l’arrivée du visiteur, l’ambiance est toutefois vivante et animée à cette heure de la récréation avec de petits groupes d’élèves qui jouent dans la cour et d’autres qui se ruent vers les vendeuses d’amuse-bouche installées dans l’enceinte de cette ancienne école régionale.
Une école centenaire qui croule sous le poids des ans
Gnilane Faye, teint noir, taille moyenne, est depuis octobre 2023, la directrice de l’école élémentaire Batou Diarra, où d’éminents cadres originaires de de la région de Tambacounda et des autres régions du pays ont fait leur classe.
‘’Batou Diarra est la première école régionale du Sénégal oriental, construite en 1918 par les colons. Cet établissement d’enseignement public recevait les élèves de Tambacounda, Bakel, Goudiry, Kédougou, etc.’’, dit-elle.
‘’L’école souffre aujourd’hui du manque d’infrastructures. D’abord le mur de clôture est complètement délabré, ensuite les toilettes insuffisantes et quasi inutilisables. Des animaux divaguent dans la cour de l’école, les motos +Jakarta+ également, de même que des malades mentaux, mettant ainsi en danger la vie de nos élèves et du personnel enseignant’’, regrette Gnilane Faye.
Des performances ‘’louables’’, malgré les difficultés
Malgré ces contraintes multiples et variées, Batou Diarra continue de faire de bons résultats aux examens du Certificat de fin d’études élémentaires (CFEE) et à l’Entrée en sixième avec 100 % de réussite depuis 4 ans, pour un effectif de 486 élèves, dont 252 filles et 234 garçons, encadrés par dix enseignants, en plus de la directrice qui gère l’administration.
L’école Batou Diarra, qui est également un établissement d’application, reçoit un nombre important d’élèves-maîtres en dépit de l’absence d’enseignants suppléants et du manque d’espace.
‘’Nous rendons grâce à Dieu. L’année dernière, nous avons fait 100% au CFEE et à l’Entrée en sixième. Et cette dynamique, je l’ai trouvée ici. Depuis 4 ans, l’école Batou Diarra obtient 100% de réussite à ces deux examens. Les performances sont là’’, se réjouie la directrice non sans fierté.
Au regard de ces résultats probants, les responsables de cette école centenaire lancent un cri du cœur et implorent presque les autorités locales, administratives et politiques pour sa réhabilitation.
‘’Nous lançons un cri du cœur aux autorités pour la réhabilitation du l’école Batou Diarra, qui manque de tout. Nous voulons que les autorités nous aident à relever le mur de clôture. Les salles de classes sont également vétustes parce que les bâtiments datent de 1918. En période d’hivernage, les toits s’envolent’’, fait savoir Mme Faye.
‘’On n’a pas de bloc administratif. Les salles de classes sont insuffisantes, parce que le Centre régional de formation des acteurs de l’éducation [CRFPE] a été installé à l’intérieur de Batou Diarra et nous a pris deux salles de classes, alors qu’on n’en a pas assez. Or, on reçoit beaucoup d’élèves-maîtres. Donc, non seulement, on aimerait réhabiliter la clôture de l’école, mais avoir trois autres classes. L’école fonctionne avec neuf salles de classes alors qu’il devrait y en avoir douze’’, poursuit-elle.
‘’Patrimoine mondial en péril’’
A la fin de la récréation, les élèves retournent en classe, de même que leurs enseignants. Les cours reprennent dans une atmosphère studieuse que seuls les vrombissements des motos et véhicules et le gazouillement des oiseaux viennent perturber.
Ibrahima Signaté, keffieh autour du coup est l’un des dix enseignants de l’école primaire Batou Diarra, évoque la situation de l’établissement ”le cœur meurtri’’, dit-il.
”L’école Batou est un établissement centenaire, qui a formé de cadres. La voir dans cet état de délabrement avancé nous pousse à tirer la sonnette d’alarme. Sans se tromper, on peut dire que Batou Diarra est un patrimoine mondial en péril, pour qui connaît la place qu’occupe cette école au niveau régional et au niveau national’’, soutient-il.
”Les bâtiments sont vétustes, la clôture de l’école laisse à désirer. Il y a un problème d’insécurité pour les élèves’’, alerte-t-il.
Outre ces manquements infrastructurels, le cadre de vie de cette école doit être renforcé dans un contexte où l’éducation environnementale occupe une place importante chez les enfants, souligne Ibrahima Signaté, qui est par ailleurs conseiller municipal, président de la Commission environnement et gestion des ressources naturelles de la commune de Tambacounda.
”Nous n’avons pas de lumière. La cour est très vaste et nous n’avons pas de gardien non plus. Sur le plan environnemental, je pense qu’on doit créer des espaces dédiés afin d’avoir un cadre de vie harmonieux pour les élèves et les enseignants. L’école ne dispose de salle des enseignants. Pendant les heures de récréation, nous nous regroupons devant une salle de classe pour discuter’’, déplore l’instituteur.
Batou Diarra, une école qui étouffe
Aliou Sy est un ancien directeur l’école régionale, baptisée Batou Diarra en 1987. A la retraite depuis 2014, c’est avec une émotion non feinte, qu’il revient à Batou Diarra où il a servi pendant 13 ans.
Assis sur une chaise négligemment posée dans l’enceinte de l’école, le regard visiblement nostalgique, il contemple la cour et le puits de l’école qu’il avait fait construire quand il occupait le poste de directeur de l’établissement.
”Quand je suis venu à Batou Diarra en 2001, j’ai trouvé un défi à relever parce que c’était un établissement qui accueillait tous les élèves du Sénégal oriental’’, se souvient-il.
Ils provenaient des départements de Kédougou, Bakel et des villages du Sénégal oriental à partir du CE2 et poursuivaient leurs études jusqu’au CM1 et CM2’’, explique-t-il.
Batou Diarra est la première école du Sénégal oriental et l’une des doyennes des écoles du Sénégal où servaient au départ les colons. ”Tous les maitres étaient des blancs’’, dit l’ancien directeur de l’établissement.
Plus d’une décennie après son départ de la direction de l’école, M. Sy ne revient toujours pas de constater que le défi reste immense en termes d’infrastructures.
‘La situation de Batou Diarra est désolante. C’est tout un patrimoine qu’on est en train de perdre malheureusement’’, déplore-t-il.
”Je m’adresse aux autorités actuelles mais aussi à l’ancien Premier ministre Me Sidiki Kaba pour qu’ils pensent à Batou Diarra, qu’ils construisent ailleurs le Centre régional de formation du personnel enseignant (CRFPE) afin de libérer cette école qui est en train d’étouffer. Il s’agit d’un patrimoine qu’on est en train de perdre et ce serait dommage”, lance-t-il.
Depuis, 2004 Batou Diarra abrite le CRFPE de Tambacounda, chargé d’assurer la formation aux élèves maîtres.
”Donc, il est temps que les fils de Tambacounda, je dirai même les fils du Sénégal oriental pensent à Batou Diarra. Tous ceux qui fait leurs humanités ici où sont venus y terminer leur cycle élémentaire doivent aider cette école. Il faut que Batou Diarra continue de rayonner et pour cela, il faut libérer cette école du CRFPE et donner plus d’espace aux élèves et aux enseignants’’, plaide Aliou Sy.
Dans l’attente d’une réhabilitation de ce patrimoine mondial de l‘UNESCO, les responsables de l’établissement continuent d’œuvrer avec bravoure pour hisser très haut cet établissement historique, qui a formé plusieurs cadres de la République du Sénégal.