Sénégal – Dysfonctionnements de la Haute Cour de Justice : Le Rapporteur Spécial des Nations Unies saisi

 

 

Des avocats du Cabinet Vey et Associés, spécialisés en droit international, ont annoncé leur soutien à leurs confrères sénégalais lors d’un point de presse ce mercredi. Leur objectif est d’examiner les “dérives et procédures contre d’anciens ministres et autres détentions jugées arbitraires” au Sénégal.

Des procédures “inquiétantes” et l’instrumentalisation de la justice dénoncées
Les avocats se penchent sur une quinzaine de procédures “émergentes” impliquant d’anciens ministres et hommes politiques, jugées “inquiétantes”. Ils évoquent également des cas de journalistes poursuivis et “parfois condamnés pour des délits qui souvent constituent des entraves”. La première mission de ces avocats étrangers a été de se rendre sur place pour constater l’avancement des dossiers, l’implication des parties et la réalité des situations, tout en apportant un éclairage sous l’angle du droit international.

“Le Sénégal est une grande démocratie dans laquelle les gens s’identifient au respect de leurs droits individuels. Nous avons à cœur d’informer et d’activer les leviers juridiques nationaux et internationaux”, a déclaré Me Antoine Vey, avocat aux barreaux de Paris et de Genève, aux côtés de ses confrères sénégalais, Me Oumar Youm et Me Amadou Sall. Il a souligné un “phénomène assez inquiétant” : “une succession de personnalités mises en cause judiciairement par une juridiction qui semble elle-même largement politisée. Il est à craindre l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire”, ont dénoncé les avocats.

Une Haute Cour de Justice contestée
Me Vey fait spécifiquement référence à la Haute Cour de Justice, qui est chargée de juger les faits et actes liés à l’enrichissement illicite et au détournement de deniers publics. L’observation des procédures judiciaires au Sénégal a conduit ces avocats à alerter et à déposer des recours.

Une première requête a été déposée il y a une dizaine de jours auprès du Rapporteur Spécial des Nations Unies, dénonçant un dysfonctionnement de la Haute Cour de Justice. “C’est un organisme judiciaire qui pose des difficultés car largement contrôlé par une majorité politique qui veut s’affranchir, sous des mobiles partisans, des règles de droit et de leur application”, a précisé Me Vey, ajoutant que les “fonds de dossiers [ne sont] pas convaincants”. Il insiste sur l’importance d’accéder aux dossiers pour comprendre les accusations réelles, car, pour le moment, “ce sont juste des accusations très peu étayées et qui reposent sur peu d’éléments objectifs (allégations de mauvaise gestion des ressources, etc.)”.

Conditions de détention et appel à des correctifs structurels
L’avocat parisien a également indiqué avoir saisi le groupe de travail sur la détention arbitraire, qui examine les conditions dans lesquelles les accusés peuvent se défendre. Il a été demandé aux Nations Unies, par l’intermédiaire de leur Rapporteur, de “s’engager dans un rapport de dialogue avec les autorités sénégalaises en vue d’apporter des correctifs structurels relatifs au fonctionnement de la Haute Cour de Justice, de déclarer les procédures en cours non conformes au regard des droits fondamentaux des personnes mises en cause, de demander la suspension immédiate des procédures et la mise en liberté des personnes inculpées, et surtout de marteler publiquement des préoccupations fortes sur des dérives constatées au Sénégal dans l’appareil judiciaire”, a annoncé Me Vey. Ces signaux pourraient générer des conséquences qui mettraient à mal l’équilibre démocratique.

Selon Me Amadou Sall, “le Sénégal, compte tenu de toute cette situation, est sous surveillance”. Il évoque une conditionnalité entre le financement et les libertés. “Notre rôle est de nous battre et nous avons saisi la Cour de Justice de la CEDEAO qui nous a donné raison à plusieurs reprises dans plusieurs dossiers”, a-t-il ajouté. Il exprime sa confiance quant à la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO concernant la Haute Cour de Justice sénégalaise : “Nous avons toujours eu des avis favorables de la part de la Haute Cour de Justice de la CEDEAO. Nous resterons positifs.”

Pour conclure, Me Amadou Sall estime qu’il n’y a pas d’intérêt à persister dans cette direction, qui, selon lui, nuit au développement du pays. “Le régime de Diomaye n’a pas été élu pour chercher et attraper des voleurs. Mais ils sont élus pour régler les problèmes urgents des Sénégalais”, a-t-il affirmé.

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