Ah ! Quel spectacle grandiose ! On nous avait promis la révolution éthique, du “jub jubal jubanti” (traduisez : “être droit, agir droit, pour la droiture”). Mais, à défaut de cette fastidieuse mise en œuvre de la bonne gouvernance, l’élite de la rupture nous a trouvé un sport national bien plus distrayant : le “garouwale” !
L’heure n’est plus aux comptes à rendre, mais aux comptes à régler. La cible ? L’infortuné Abdourahmane Diouf, ministre de l’Environnement, coupable du plus impardonnable des crimes : faire trop d’allégeance au Président Bassirou Diomaye Faye… et pas assez au Premier ministre Ousmane Sonko. Oh, lèse-majesté ! Pour ne pas arranger son cas, il a osé avoir une vision personnelle sur la justice et la reddition des comptes ! Une hérésie dans le nouveau temple de la pensée unique !
Face à véritable crime de lèse-majesté, ministres, députés, maires, DG, et toute la “Pastefosphère” de Twitter se sont mobilisés. Pas pour le bien commun, non ! Pour la sainte guerre du “garouwale” !
Au lieu de répondre frontalement, avec la dignité et la rigueur qu’exigeraient leurs hautes fonctions, ils préfèrent les petits coups de poignard, les allusions assassines, les tweets qui ont le charme subtil d’un caillou dans une chaussure. C’est la clownesque parade de l’élite, où l’ingéniosité se mesure non pas aux solutions innovantes, mais à la capacité de formuler le post le plus ambigu et le plus méchant possible contre l’ancien rewmiste.
Toutes les énergies sont là, tendues, vibrantes, pour obtenir le scalp de M. Diouf. Quelle utilisation noble du capital politique et du temps de la nation !
Pendant que nos chers dirigeants sont occupés à ce duel d’une inanité réjouissante, le Sénégal, lui, est sous le feu du soleil d’octobre… et de la réalité que Lénine appelait l'”Éternel retour du concret”.
Vie chère ? Un détail !
Pouvoir d’achat en berne ? Une futilité !
Chômage de masse ? On a des clashs plus urgents !
Dette monstrueuse et insécurité ? Silence, on “garouwale” !
Il est tellement plus commode de s’écharper dans des clashs stériles et personnels que de s’échiner à trouver des solutions concrètes et innovantes. Gérer l’État, c’est pénible ; jouer à la marelle sur Twitter, c’est si rafraîchissant !
Ces questions existentielles passent tranquillement sous le radar de l’élite de la rupture, bien trop occupée à fournir de la matière grasse et croustillante à leurs followers.
Qui va siffler la fin de la récréation et rappeler à cette bande d’écoliers turbulents qu’ils sont censés GOUVERNER ?
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