Copenhague: Un travesti barbu remporte l’Eurovision pour l’Autriche

Tom Neuwirth, devenu Conchita Wurst tout en conservant ostentatoirement sa barbe, remporte la 59e édition du concours de l’Eurovision. La Suisse décroche une belle 13e place. La France est dernière.L’Autriche a remporté dimanche à Copenhague le concours de l’Eurovision grâce au travesti à barbe Conchita Wurst. Le Tessinois Sebastiano Paù-Lessi, alias Sebalter, a lui terminé treizième. Avec «Hunter of stars» (Chasseur d’étoiles), l’auteur-compositeur de 28 ans a réalisé le meilleur résultat pour la Suisse depuis 2005.

La victoire autrichienne a été nette, avec 290 points contre 238 points aux Pays-Bas, deuxièmes avec un titre de country. Tom Neuwirth, chanteur de 25 ans, a conquis le public des 37 pays votants non seulement par son apparence extravagante mais aussi par son talent. En demi-finale comme en finale, sa maîtrise vocale a impressionné lors de son interprétation de «Rise Like A Phoenix», une air puissant accompagné de violons. Jusqu’à presque faire oublier cette barbe noire factice.

Appréciée à l’est

Conchita Wurst, qui s’est montrée de plus en plus émue à mesure que les points étaient distribués et qu’elle prenait de l’avance, est montée sur la scène en larmes pour recevoir son prix. «Nous sommes l’unité, et rien ne peut nous arrêter!» a-t-elle lancé au public. Interrogée en conférence de presse pour savoir si elle avait un message pour le président russe Vladimir Poutine et sa loi anti-«propagande homosexuelle», elle a rétorqué: «Je ne sais pas s’il regarde, mais si c’est le cas, j’ai été claire, rien ne peut nous arrêter».

Elle a ajouté qu’elle avait des fans dans des pays réputés conservateurs socialement. «Ça ne dépend pas du pays, il y a des gens (…) aussi en Europe de l’Est qui ont les mêmes convictions que moi». «C’est génial qu’un garçon puisse chanter comme cela comme une fille, il a une telle présence», s’est enthousiasmée Karin Springer, une Autrichienne qui regardait l’Eurovision depuis un bar de Vienne.

Victoire pour la tolérance

La victoire de Conchita Wurst «est aussi une victoire en Europe pour la tolérance et le respect», a commenté de son côté le ministre autrichien de la Culture Josef Ostermayer. «Félicitations Conchita! Formidable vote. Citoyens de l’UE, utilisez maintenant votre droit de vote pour une Europe ouverte», a écrit sur Twitter la ministre suédoise aux Affaires européennes, Birgitta Ohlsson, dans une allusion aux élections européennes, qui se déroulent du 22 au 25 mai.

Ukraine en ouverture

L’Ukraine avait ouvert en début de soirée le concours Eurovision avec une teinte politico-sociétale, entre les troubles dans ce pays et le rejet suscité par le travesti barbu, candidat de l’Autriche comptant parmi les favoris.

Mariya Yaremtchouk, 21 ans, a interprété «Tick-Tock» en anglais devant un homme qui courait dans une roue de hamster géante, et environ 170 millions de téléspectateurs si l’on se fie à l’audience de 2013.

Sans les tensions avec la Russie elle ne serait qu’une candidate banale, mais elle espère bénéficier d’un élan de sympathie des jurys occidentaux.

L’ex-champion de boxe Vitali Klitschko, une figure des pro-européens en Ukraine, a appelé les téléspectateurs à voter pour elle en signe de soutien politique. «Dans la situation historique où se trouve l’Ukraine, ce serait un signal formidable», a-t-il déclaré au quotidien allemand Bild.

Les jumelles russes

Pour la Russie, les jumelles Anastasia et Maria Tolmatchevy sont passées en 15e position sur 26 candidats, perchées sur leur grand balancier. Entendue à la télévision, la réaction du public de Copenhague semblait mitigée.

Les plus fins observateurs ont trouvé dans les paroles de «Shine» une étrange ressemblance avec la politique étrangère de Moscou : «Vivre sur la brèche/Plus près du délit/Franchir la limite un pas à la fois».

Comme toujours, les artistes avaient insisté pour que l’on se concentre sur la musique et rien d’autre. «J’ai beaucoup d’amis, de proches en Ukraine. Bien sûr j’ai peur des menaces qui pèsent sur l’Ukraine. Mais je pense qu’à l’Eurovision, les gens doivent voter avec leur coeur, et non avec leur raison», disait Ela Steinmetz, chanteuse aux racines ukrainiennes qui représente l’Allemagne avec le groupe Elaiza.

Le Danemark homo-friendly

L’Eurovision est particulièrement appréciée de la communauté homosexuelle, et cela n’a pas échappé aux hôtes. La Ville de Copenhague a dit avoir marié trois couples de même sexe russes, à l’occasion des 25 ans des unions homosexuelles au Danemark. Et les drapeaux arc-en-ciel ont fleuri.

Autre prétendante: la Suédoise Sanna Nielsen, dont «Undo» a été écrite par un vétéran des concours Eurovision. Dans un genre musical moins typique de la compétition, la country, le duo The Common Linnets pourrait créer la surprise pour les Pays-Bas. Une victoire des pays dispensés de demi-finale semble improbable.

Français peu applaudis

Les Français de Twin Twin ont tâché de mettre le public de leur côté en lui faisant scander le nom du groupe. Mais les applaudissements à la fin ont paru bien maigres. L’Eurovision, même avec son image kitsch, connaît un succès croissant, ayant su se défaire de traditions surannées comme l’obligation de chanter dans sa langue ou l’orchestre officiel.

Le souhait de s’offrir un moment de promotion aux yeux du monde entier a entraîné une certaine inflation des coûts qui exclut certaines télévisions publiques en crise, comme cette année celles de la Bulgarie, de Chypre et de la Serbie. Le Danemark est resté sobre en matière de publicité touristique en ouverture de la retransmission.

Les trois présentateurs ont glissé quelques mots en anglais, en français, et même en chinois alors que l’émission a lieu en pleine nuit en Chine, avant de laisser assez vite la place aux artistes.

(afp/Newsnet)