
Des centaines de milliers de tonnes de céréales et de sucre se retrouvent ainsi bloquées.
Les sanctions infligées à Téhéran par les Etats-Unis et l’Union européenne en raison de l’opacité de son programme nucléaire ne portent pas sur la nourriture et d’autres produits «humanitaires», mais elles ont rendu les conditions de ce commerce bien plus compliquées au cours des deux dernières années.
Selon des sources commerciales au fait du dossier, des bateaux transportant des cargaisons de céréales, dont du blé, des graines de soja et du sucre non raffiné ont été bloqués pendant des semaines devant les ports iraniens de Bandar Imam Khomeini et Bandar Abbas.
«Il y a un problème de paiement des contrats (…) qui s’est traduit par des retards de livraisons de certains fournisseurs», souligne une source commerciale européenne.
Confrontés à la hausse du prix des produits alimentaires, des responsables iraniens interrogés par Reuters ont reconnu que leur pays faisait face à des problèmes d’importations. Ils les expliquent par la réticence croissante des banques étrangères à prendre part aux transactions avec l’Iran.
Plusieurs sources commerciales confirment qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir des lettres de crédit indispensables à la fluidité des livraisons.
Les banques ont «peur»
«Les banques occidentales ne veulent plus être impliquées», dit une seconde source européenne. «Dès que les banques voient le mot ‘Iran’ sur un document, elles le rejettent.» Selon des banquiers et des responsables gouvernementaux, la peur de ces banques de tomber sous le coup des sanctions américaines l’emporte sur la légalité des transactions «humanitaires» pour lesquelles elles sont sollicitées par Téhéran.
«Les banques internationales ont peur de faire des affaires avec l’Iran», reconnaît un responsable iranien sous le sceau de l’anonymat. «Nous ne savons pas quelle peut être la solution. Des dizaines de bateaux attendent devant les ports et nous ne pouvons rien y faire.»
Les données de suivi maritime de Reuters montrent que cinq navires Panamax, capables de transporter chacun entre 60’000 et 70’000 tonnes de céréales, sont arrivés en Iran début avril en provenance d’Europe, d’Australie et d’Amérique du Sud.
Ils mouillaient toujours au large de Bandar Imam Khomeini et Bandar Abbas le 9 mai, plusieurs semaines après la date prévue pour le déchargement de leur cargaison.
Leurs cargaisons représentent près de 2% de la consommation annuelle de blé de l’Iran, qui s’élève à environ 17 millions de tonnes.
Cargaisons revendues
Ces exemples sont loin d’être isolés. Selon une source européenne, au moins une ou deux cargaisons ont finalement été livrées à d’autres acheteurs. «Les cargaisons en question ont été bloquées en Iran pendant longtemps, générant de grosses pertes financières (pour les fournisseurs). Elles ont donc été vendues à d’autres acheteurs», dit cette source.
La société agroalimentaire américaine Archer Daniels Midland, un des fournisseurs de l’Iran, précise qu’outre les réticences des banques, la politique de contrôle des devises iranienne complique les transactions.
«Les navires céréaliers qui arrivent en Iran doivent souvent attendre pendant des semaines que la banque centrale iranienne débloque les fonds destinés à payer leur cargaison», souligne-t-elle.
Le fait que la plupart des banques iraniennes n’aient plus accès au système de paiement international SWIFT aggrave la situation, ajoutent des sources bancaires. Elles disent ne pas s’attendre à une amélioration notable tant que les sanctions internationales n’auront pas été levées.
Le régime de sanctions a été légèrement assoupli après l’accord intérimaire sur le nucléaire conclu entre l’Iran et les grandes puissances, en novembre. Seule la signature d’un accord définitif d’ici au 20 juillet ouvrira toutefois la porte à une normalisation des relations commerciales avec Téhéran.
(ats/afp/Newsnet)