Kharékhéna : les orpailleurs demandent de nouveaux couloirs.

 

La ministre des Mines et de la Géologie, Aïssatou Sophie Gladima, a bouclé sa tournée dans la région de Kédougou par Kharékhéna, un haut lieu d’orpaillage traditionnel. Devant l’autorité, les orpailleurs ont égrené un chapelet de doléances dont la plus pressante est l’extension des couloirs d’orpaillage.

Vendredi 19 janvier, il est 22 heures. Quelques rares étoiles dansent dans le ciel de Kharékhéna boudé par la lune. Au loin, les lumières parcimonieuses du village forment des lumignons tamisés qui se découpent dans l’obscurité de la nuit. Des gargotes, des échoppes et des habitats sommaires en paille ou en zinc bordent la route bitumée où s’agite une foule empressée et bigarrée qui attend, depuis le début du jour, la délégation de la ministre des Mines et de la Géologie. L’entrée du cortège ministériel dans cette bourgade rendue célèbre par l’intense activité d’orpaillage qui y a cours, est accompagnée par un concert de klaxons de moto « Jakarta ».

A la sortie du village, sur un terrain vague qui donne sur les « Diouras », du nom des sites d’orpaillage, c’est l’effervescence autour d’une tente ornée de quelques affiches à l’effigie d’Aïssatou Sophie Gladima. Pour accueillir leur hôte de marque et sa délégation, les orpailleurs se sont mobilisés. Ces chercheurs d’or ont traversé tout le pays, franchi des frontières pour atteindre ce coin du Sénégal situé dans le département de Saraya à 80 kilomètres de Kédougou et à 50 kilomètres du Mali. Venus avec le minimum de bagages, ils espèrent en repartir avec la besace plein de pépites d’or. Mais trouver de l’or, surtout dans les conditions laborieuses qui caractérisent l’orpaillage traditionnel, c’est tout sauf de la sinécure. Du coup, dès que la ferveur de l’accueil de la ministre est retombée pour laisser place aux discours d’usage, les doléances ont toutes portées sur l’amélioration des conditions de vie et de travail dans ce site qui, en quelques années, a vu sa population exploser. En effet, le hameau d’alors d’à peine 200 habitants est devenu, en moins de dix ans seulement, une sorte de favela où vivotent plus de 30.000 âmes.

Le président des orpailleurs a insisté sur le problème d’accès à l’eau potable, l’érection d’une structure de santé « digne de ce nom », l’électrification de la zone, l’achèvement des travaux de la route, la réorganisation du secteur…mais surtout l’extension des couloirs d’orpaillage, c’est-à-dire ces zones affectées aux orpailleurs et qui sont délimitées par un arrêté de la ministère des Mines. « Les 27 hectares qui nous sont est affectés est trop infime pour tout ce beau monde. Nous voulons que ce couloir soit étendu jusqu’à 50 hectares », a-t-il dit.

Soutenir le secteur
Le président du Conseil départemental de Saraya, Sadio Danfakha, a abondé dans le même sens, invitant les autorités à faire de cette demande des orpailleurs une priorité car « le couloir actuel n’a presque plus d’or ». Se félicitant de voir la ministre venir « tâter le terrain » et « discuter avec les populations », le député de Saraya, Mady Danfakha, l’a encouragée à soutenir davantage le secteur de l’orpaillage dont l’importance n’est plus à démontrer. « L’orpaillage est source de développement socioéconomique. C’est un rempart contre l’émigration clandestine et un pourvoyeur d’emplois. C’est donc un secteur qui mérite un soutien fort de la part des autorités », a-t-il argué.

Ces doléances ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. La ministre qui tenait à venir Kharékhéna malgré l’heure tardive et la fatigue liée par la visite à Sabodala toute la journée, leur a assuré avoir pris bonne note notamment en ce qui concerne l’extension du couloir d’orpaillage. Selon elle, c’est un dossier qui tenait déjà à cœur ses prédécesseurs et sur lequel elle va plancher au plus vite. « Vous aurez de nouveaux couloirs mais cela ne se fera pas du jour au lendemain. Mes services vont faire les explorations nécessaires afin d’identifier les meilleurs sites à exploiter. Cela prendra du temps, je vous demande d’être patients », a dit Aïssatou Sophie Gladima. Elle fait de cette question une priorité, soutenant avoir conscience de l’importance de l’orpaillage dans le développement de l’économie locale voire nationale. La ministre a affirmé sa disponibilité à accompagner les orpailleurs dans la réorganisation de leur secteur comme ils l’ont sollicité.

« Le secteur mérite d’être mieux organisé afin qu’on puisse en faire un véritable levier de développement économique comme au Mexique et au Pérou où nous avons la même pratique d’orpaillage. Cela va permettre de pouvoir écouler l’or de Kharékhéna sur le marché international sans difficulté. Mais pour ce faire, il faut que les orpailleurs et les autorités travaillent en parfaite intelligence », a-t-elle ajouté.

Elhadji Ibrahima THIAM (envoyé spécial à Kédougou) / lesoleil.sn /