Des experts mandatés par les Nations unies ont recommandé lundi la mise à l’écart du commandant en chef de l’armée birmane qu’ils accusent de génocide à l’encontre de la minorité Rohingya. Ils critiquent aussi le gouvernement civil dirigé par Aung San Suu Kyi.
«Intention génocidaire»
Dans son rapport publié à Genève, la Mission d’établissement des faits de l’ONU sur la Birmanie a estimé que le commandant en chef, le général Min Aung Hlaing, et cinq autres généraux «doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites pour génocide dans le nord de l’Etat Rakhine, ainsi que pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre dans les Etats Rakhine, Kachin et Shan».
Selon elle, les militaires ont commis massacres et viols collectifs contre les Rohingyas avec une «intention génocidaire». Les experts demandent au Conseil de sécurité de faire appel à la Cour pénale internationale (CPI) ou d’établir un tribunal international ad hoc. Ils appellent à des sanctions ciblées contre les auteurs de crimes et à un embargo sur les armes.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a plusieurs fois appelé la Birmanie à l’arrêt des opérations militaires et au retour en toute sécurité des Rohingyas. Mais ses initiatives restent entravées par la Chine, premier soutien de la Birmanie et membre permanent du Conseil, disposant donc d’un droit de veto.
«Oppression systémique»
«Les Rohingyas sont dans une situation continue d’oppression sévère, systémique et institutionnalisée de la naissance à la mort», a dit le président de la mission, l’Indonésien Marzuki Darusman, devant la presse à Genève. Il a appelé le chef de l’armée birmane à démissionner «immédiatement».
«Nous avons examiné la période depuis 2011. Les violations identifiées au cours de cette période font partie d’une conduite militaire abusive qui date depuis au moins un demi-siècle», a ajouté l’enquêteur australien Christopher Sidoti.
La mission a également établi une liste d’auteurs présumés de crimes contre l’humanité et crimes de guerre qu’elle conserve sous le sceau de la confidentialité.
Le silence d’Aung San Suu Kyi
Les enquêteurs mettent aussi en cause les autorités civiles qui, «par leurs actes et leurs omissions (…) ont contribué à la commission de crimes atroces». Le gouvernement d’Aung San Suu Kyi a permis selon eux à un discours de haine de se propager, il a détruit des documents et n’a pas été capable de protéger les minorités comme les crimes commis par les soldats.
La prix Nobel de la paix 1991 «n’a pas utilisé sa position de facto de chef du gouvernement, ni son autorité morale, pour contrer ou empêcher le déroulement des événements dans l’Etat Rakhine», ajoute le rapport. Qui précise toutefois que les autorités civiles avaient «peu de marge de manoeuvre» pour contrôler les actions de l’armée. Le gouvernement, à qui l’ONU a envoyé par avance son rapport, n’a pas fait de commentaire.
Facebook ferme des comptes
Parallèlement, Facebook a annoncé la suppression des comptes du général Min Aung Hlaing et d’une vingtaine de personnes et organisations birmanes, dont l’importante chaîne de télévision militaire, Myawady. Une enquête de Reuters publiée à la mi-août a montré que le réseau social peinait à contrôler la diffusion de messages haineux à l’encontre des Rohingyas.
L’armée birmane a lancé il y a un an une brutale offensive dans l’Etat de Rakhine (Arakan) en réponse à des attaques d’un groupe insurgé, l’Armée du Salut des Rohingyas de l’Arakan (ARSA), contre une trentaine de postes de police et militaires. Quelque 700’000 Rohingyas ont fui la répression.
Selon le rapport, l’action militaire, y compris la destruction de villages, a été «largement disproportionnée par rapport à la réalité des menaces».
La Commission européenne va organiser une réunion cette semaine à Bruxelles avec les auteurs du rapport de l’ONU. «Les responsables de ces violations présumées des droits de l’homme, sérieuses et systématiques, doivent rendre des comptes», a déclaré un porte-parole de la Commission, ajoutant que d’éventuelles mesures européennes devaient être discutées avec les Etats membres de l’UE.
(nxp/ats)



