SUR LES TRACES DE … MAMADOU ALY NDIAYE : Le karatéka qui s’est fait « Modou Modou » pour devenir champion du monde

 

Lorsqu’il a compris que personne ne l’aiderait à concrétiser son rêve de devenir champion du monde, le karatéka Mamadou Aly Ndiaye a pris les choses en mains. Il est allé faire le « Modou Modou » en Afrique du Sud pour se donner les moyens de son ambition. Objectif atteint en 2000 à Munich. Depuis, il s’emploie à favoriser l’essor de sa discipline préférée.

« Consentir un immense sacrifice, une fois dans son existence, pour obtenir quelque chose de très grand ». C’est le principe de vie qui a guidé Mamadou Aly Ndiaye vers son titre de champion du monde de karaté des + 80 kg en 2000 à Munich, en Allemagne. Il était parti du constat qu’aux précédents championnats du monde, il se faisait toujours éliminer à partir des quarts de finale parce qu’il était « usé physiquement ». « Le talent y était, de même que la technique et l’envie. Mais, la fatigue finissait par l’emporter », témoigne-t-il aujourd’hui ; parce que, même s’il débutait bien ses combats, il se faisait toujours remonter.

Alors, Mamadou Aly Ndiaye avait décidé de faire l’impasse sur les championnats du monde de 1998 et de tout miser sur ceux de 2000. Mais, puisqu’aucun soutien ne lui était accordé et de nulle part, il avait tout plaqué et choisi d’aller faire le « Modou Modou » en Afrique du Sud : « Je m’y suis totalement pris en charge, ai ouvert mon dojo avec l’aide d’Abdula Imtiaz (ancien président de la fédération mondiale de karaté), je me suis donné les moyens et j’ai bossé comme un fou. Je n’avais pour objectif que le titre de champion du monde. Rien d’autre ne m’intéressait ». Résultat, en Bavière, à 28 ans, il décroche « le titre suprême » par disqualification, face au Franco-sénégalais Seydina Baldé. La consécration pour ce karatéka qui dispose aussi de la nationalité sud-africaine et qui a été « 5 ou 6 fois champion d’Afrique ».

Mais l’ancien sociétaire du Yoseikan Karaté Club n’a pas pu garder son titre mondial, deux ans plus tard à Madrid en Espagne. « J’ai perdu au 4ème tour, parce qu’objectivement, je n’avais pas les moyens d’aller au bout », reconnaît-il. Et d’expliquer « pour conserver ce titre, il me fallait un appui institutionnel qui n’est jamais venu ». À part son couronnement comme « Lion d’Or » en 2000, Mamadou Aly Ndiaye soutient que « rien n’avait été fait. J’ai reçu zéro franc. J’ai eu beaucoup de promesses du ministre des Sports d’alors, mais ce n’était que du vent ». Quelque part, Mamadou Aly Ndiaye regrette même de n’être pas tombé sur l’actuel ministre des Sports, Matar Bâ qui, selon lui, « est à l’écoute des sportifs et aide un tant soit peu ceux qui font des résultats ».

C’est ainsi, d’après lui, que d’autres karatékas « de niveau mondial » sont passés à côté de quelque chose de très grand. « Avec un minimum de soutien, des combattants comme Fodé Ndao, Madieyna Diouf ou Yaye Ami Seck, entre autres, auraient pu valoir au Sénégal de grandes satisfactions au plan mondial », se désole-t-il. Même au-delà du karaté, Aly Ndiaye est convaincu qu’au Sénégal, « il n’y a pas l’accompagnement nécessaire, toutes disciplines sportives confondues, encore moins les structures et infrastructures nécessaires, pour pousser les sportifs de haut niveau vers des performances de niveau mondial ». La preuve, selon lui, par les Jeux africains d’où le Sénégal revient depuis quelques temps avec des médailles d’or qu’on peut compter sur les doigts d’une main.

D’ailleurs, c’est de retour des Jeux africains d’Abuja (Nigeria) en 2003 où il avait été le porte-drapeau de la délégation sénégalaise, que Mamadou Aly Ndiaye a décidé de se retirer avec, accrochées à son cou, une médaille d’or par équipe et une d’argent chez les + 80 kg. Et s’il se retourne sur son parcours de combattant, il ne peut que « rendre grâce à Dieu » pour lui avoir donné la santé de bâtir un tel palmarès qui, tient-il cependant à ajouter, aurait pu être bien plus riche s’il avait bénéficié de l’appui nécessaire.

Qu’importe, lui qui a vécu par et pour le karaté continue de se donner à fond pour sa discipline sportive préférée. Aussi, avait-il, dès son retrait des aires de combat, lancé son Open du Baol, devenu aujourd’hui selon lui « la plus grande compétition nationale en la matière ». Pour cette année, lors de la 11ème édition, près de 400 combattants ont pris part aux joutes. « C’était un énorme succès et l’on a dû poursuivre les activités jusqu’à 1h30 du matin. Ce qui pousse à réfléchir sur le format de la manifestation qui, à partir de la prochaine édition, devrait se dérouler sur 2 jours ». À condition, encore une fois, que les moyens et l’accompagnement suivent.

Si Mamadou Aly Ndiaye s’investit autant, c’est, d’après lui, pour redonner au karaté sénégalais son lustre d’il n’y a pas si longtemps. « Même si nous avons de bons combattants, le niveau est faible parce qu’on ne travaille plus assez », diagnostique-t-il. Selon lui, les conditions sont actuellement beaucoup plus favorables que de son temps et « il y a de bons combattants qui peuvent aller loin ». À condition qu’ils travaillent beaucoup. D’après le champion du monde 2000 des + 80 kg, aujourd’hui que la famille du karaté sénégalais s’est retrouvée et essaie de parler d’une même voix, il y a lieu d’espérer des lendemains meilleurs.

Pour l’heure, « coincé mais pas handicapé » à Dakar par la fermeture des frontières aériennes du fait du coronavirus, Mamadou Aly Ndiaye essaie de s’occuper utilement, en attendant de retourner à son club français de Sik Paris, sa famille et son travail auxquels il accorde sa priorité. Alors, il jardine chez lui, fait du sport et réfléchit aux moyens de ramener le karaté sénégalais en haut de la pyramide africaine et près des meilleurs mondiaux.

B. Khalifa NDIAYE / lesoleil.sn /