
Contrôleur et Chef du Service communication de la Direction de l’administration pénitentiaire, Marième Bâ évoque, dans cet entretien accordé à Emedia, les mesures prises pour prémunir les différentes prisons du coronavirus, en vigueur depuis le diagnostic du premier cas positif au Sénégal.
Comment se déroule actuellement, l’application des mesures prises par la Direction de l’administration pénitentiaire face à la lutte contre le Covid-19 ?
Nous avons très tôt pris des mesures pour lutter contre l’entrée de la maladie du coronavirus dans les prisons. La population carcérale a été très sensible donc, il fallait anticiper sur les mesures. Dans un premier temps, nous avons fait une note de service qui a été transmise à l’ensemble des prisons du Sénégal. Nous leur avons expliqué la maladie, son mode de transmission ainsi que ses conséquences. En plus, nous leur avons dit quelles sont les mesures préventives individuelles et collectives à prendre dans les prisons pour barrer la voie à cette maladie. Les prisonniers ont été également sensibilisés sur le phénomène. Nous aussi suspendu toutes les autorisations d’accès dans les prisons pour éviter les va et vient. Cette mesure s’applique aux associations et autres organisations s’activant dans le social. Par contre, elle ne s’applique pas aux avocats. Ces derniers peuvent rencontrer leurs clients mais dans le respect strict des mesures barrières qui ont été édictées telles que le port du masque, l’utilisation du gel antiseptique, la prise de la température… Les repas venus de l’extérieur ont aussi été suspendus. L’autre mesure que nous avons prise est relative à la suspension des visites familiales. Jusque-là, toutes les mesures sont respectées. Nous en rendons grâce à Dieu car, aucun cas suspect de coronavirus n’a été détecté dans nos prisons.
Par rapport aux visites suspendues, n’avez-vous pas reçu de plaintes de la part des familles des détenus ?
Non ! Déjà, je vais profiter de l’occasion pour les remercier. Elles ont compris et accepté les mesures qui ont été prises. Quand on a suspendu les visites familiales, parallèlement, nous avons mis en place une autre stratégie. On a mis à la disposition des détenus des téléphones et les détenus peuvent, gratuitement, appeler leurs familles. Ainsi, ils sont en contact permanent avec leurs proches. C’est la même chose pour les repas qui ont été suspendus. Actuellement, les plats qui leur sont servis sont améliorés. Chaque prisonnier a droit à 1152 francs CFA pour son repas et le menu varie quotidiennement. En ce mois béni du ramadan également, ils vivent comme ceux qui sont en liberté. A l’heure de la rupture, on leur sert du pain au beurre, au chocolat ou au fromage avant de leur servir le dîner. Ceux qui ne jeunent pas aussi reçoivent, tous les jours, les trois plats du jour.
Les prévenus ou inculpés sont placés sous mandat de dépôt à la prison du Cap Manuel avant d’être transférés à la maison de correction de Sébikhotane à la fin de la durée de leur mise en quarantaine. Pourquoi ce choix ? Pourquoi ils ne sont pas envoyés à Rebeuss ou au camp pénal de Liberté 6 ?
Le mode de contamination de la maladie est très rapide et, avec les cas communautaires qui se prolifèrent, il était obligatoire de prendre toutes les dispositions nécessaires afin que la maladie n’infecte pas nos prisons. C’est la raison pour laquelle la prison du Cap Manuel a été vidée de ses détenus pour permettre d’y isoler ensuite tous les nouveaux détenus le temps d’observer la période d’incubation. Au bout des 14 jours, les hommes sont transférés à la maison d’arrêt de Sébikhotane. Si ce sont les femmes, elles sont conduites au quartier spécial du pavillon spécial avant la maison d’arrêt pour femmes de liberté 6. Donc, Rebeuss n’a pas reçu de détenu depuis l’apparition du coronavirus. Parce que, c’est une prison très sensible où il y a beaucoup de détenus. Il faut qu’on désengorge Rebeuss pour lutter contre la promiscuité.
« REBEUSS N’A PAS REÇU DE DÉTENU DEPUIS L’APPARITION DU CORONAVIRUS »
Est-ce que ces mesures prises ont permis de désengorger les prisons ?
Il faut rappeler qu’avant la célébration de la fête du 4 avril 2020, le président de la République a gracié 2036 détenus. Et avant la grâce, il y avait 2500 détenus à Rebeus mais actuellement, ils sont au nombre de 2400. Donc, cette mesure de grâce est exceptionnelle et nous en remercions le chef de l’Etat, permet de lutter contre la promiscuité. En plus de la grâce, 122 détenus ont bénéficié de la libération conditionnelle et 371 de la liberté provisoire. Donc, effectivement, les mesures prises ont permis de désengorger les prisons. Nous en profitions également pour remercier les parquets qui ont coopéré avec nous.
Comment sont gérées les entrées et les sorties des détenus surtout pour aller au procès ou à l’hôpital ?
Les mesures de prévention et celles d’hygiène sont respectées au sein des prison. Déjà, le port du masque est obligatoire dans les prisons. En plus, on a mis à la disposition des prisonniers du gel et du savon. Quand ils vont au procès ou au tribunal, ils mettent leurs masques. A leur retour aussi, on prend leur température. Au niveau des établissements, il y a un infirmier major bien formé qui prend en charge les détenus. Et, nous touchons du bois, les mesures fonctionnent bien.
Des gardes pénitentiaires sont consignés pour ne pas dire confinés dans les prisons où ils servent. Ils ne rentrent plus chez eux depuis l’apparition de la maladie au Sénégal. Comment vivent-ils cette situation ?
C’est vrai, les gardes sont consignés. Je voudrais insister sur ce point parce que nous savons tous que le coronavirus, devenu une pandémie, n’épargne personne. Donc, ils ont été consignés pour faire face à la maladie. Et le personnel a accepté cette mesure. Les gardes sont des patriotes très engagés et ils vivent la situation avec philosophie. C’est vrai qu’ils sont loin de leurs familles mais, ils ne sont pas laissés à eux-mêmes. Ils ont le soutien des autorités.
Pourtant, il est dit que certains parmi ces gardes se révoltent parce que laissés à eux-mêmes ?
Ils ne sont pas laissés à eux-mêmes. Cette affirmation est fausse. Leur alimentation est prise en charge totalement par les autorités étatiques. On a mis à leur disposition la connexion internet, du matériel de couchage et des équipements. Ils sont dans de bonnes conditions. En sus, ils ont récemment perçu, chacun, des primes d’encouragement. Donc, les autorités sont vraiment en phase avec eux. Également, nous sommes en train de voir avec le ministère de la Santé et de l’Action sociale si on peut disposer de kits de test Covid-19, afin de faire tourner les gardes pénitentiaires. Nous y travaillons.
emedia