
Les Polonais devaient élire ce dimanche leur président, mais les bureaux de vote n’ont pas ouvert, personne ne n’a pu voter, et l’élection, ni formellement annulée ni ajournée, entrera dans l’histoire comme un rare cas de scrutin fantôme. Cette situation est due à la pandémie de coronavirus et à l’incapacité des conservateurs nationalistes au pouvoir et de l’opposition de s’entendre sur une solution constitutionnelle et mutuellement acceptable. La suite des événements, elle, reste incertaine.
Le chef du parti conservateur au pouvoir Droit et Justice (PiS) Jaroslaw Kaczynski, et son allié Jaroslaw Gowin, patron du parti Entente, qui souhaitaient un report du scrutin, avaient affirmé avoir trouvé cette solution mercredi. «Une fois la date du 10 mai passée et la constatation, prévisible, par la Cour Suprême de l’invalidité du scrutin pour cause de non-tenue, la présidente de la Diète annoncera une nouvelle élection présidentielle à la première date possible», ont-ils déclaré dans un communiqué.
«Nous plongeons dans les vapeurs de l’absurde», a réagi le politologue Stanislaw Mocek, recteur de l’université Collegium Civitas. «Cela sonne comme un ordre donné à la Cour».
Texte critiqué par les spécialistes
La situation d’incertitude actuelle résulte d’un faisceau d’intérêts opposés et de décisions controversées. Face au risque de contagion massive dans les bureaux de vote, le PiS a voté une loi imposant l’élection par correspondance. Mais ce texte, critiqué par les constitutionnalistes et rejeté par l’opposition au Sénat, est arrivé trop tard pour permettre d’organiser le scrutin.
En même temps, le PiS a refusé un ajournement, réclamé par l’opposition, dont les candidats n’ont pu faire campagne, et souhaité par trois Polonais sur quatre selon des sondages.
Calculs politiques
Aux termes de la Constitution, pour ajourner la présidentielle, il faudrait proclamer l’état de catastrophe naturelle. Officiellement, le PiS a estimé que la situation sanitaire ne l’exigeait pas. Officieusement, il a laissé entendre que des multinationales présentes en Pologne pourraient demander d’immenses dommages-intérêts que l’Etat aurait du mal à payer.
Mais pour l’opposition et de nombreux commentateurs, il y avait une autre raison: le parti conservateur voulait assurer sans attendre la victoire du président sortant Andrzej Duda, issu de ses rangs. M. Duda, en tête des sondages, aurait pu être réélu dès le premier tour. Mais ses chances de l’emporter risquent de faiblir à terme, lorsque l’incidence économique de la pandémie se fera sentir dans les entreprises et les ménages, et que le chômage montera.