Algérie: Un an de prison ferme pour la militante Amira Bouraoui

 

«Cette condamnation est injustifiée, le dossier est vide», a déclaré à l’AFP Me Mustapha Bouchachi. Le parquet avait requis 18 mois de prison ferme contre cette militante du «Hirak», le mouvement de contestation populaire qui a poussé M. Bouteflika à la démission en avril 2019.

Mme Bouraoui, une gynécologue de 44 ans, mère de deux enfants de 12 et 16 ans, a été reconnue coupable de six chefs d’accusation, dont «offense à l’islam», «offense» au président de la République Abdelmadjid Tebboune et «incitation à violer le confinement» en «exposant directement la vie d’autrui ou son intégrité physique à un danger» pendant la crise sanitaire.

Pas d’apaisement

L’opposante était également accusée de «publication (sur les réseaux sociaux) pouvant porter atteinte à l’unité nationale» et «d’informations ou nouvelles, fausses ou calomnieuses, susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre public».

«Ce genre de poursuites judiciaires qui dure depuis des mois ne peut apaiser les esprits politiquement parlant. Ce n’est pas la meilleure façon de s’ouvrir vers la société, vers les militants et la révolution pacifique», a souligné Me Bouchachi en allusion au «Hirak».

Amira Bouraoui avait été interpellée chez elle mercredi soir et placée en garde à vue. Ex-militante du mouvement Barakat («Ça suffit!»), elle s’était fait connaître en 2014 en incarnant l’opposition à un quatrième mandat de M. Bouteflika.

Climat de répression

La justice a multiplié ces derniers jours les poursuites judiciaires et les condamnations de militants du «Hirak», le pouvoir cherchant à enrayer le retour de la contestation au moment où s’amorce le déconfinement. La plupart des poursuites s’appuient sur un nouveau code pénal, adopté le 22 avril en pleine crise sanitaire.

Née en février 2019 d’un immense ras-le-bol, le «Hirak» réclame un changement du «système» en place depuis l’indépendance en 1962. En vain jusqu’à présent, même s’il a obtenu le départ d’Abdelaziz Bouteflika après vingt ans au pouvoir.

Ex-patron des patrons jugé

Dans le même temps, l’homme d’affaires Ali Haddad, ancien omnipotent patron des patrons lié à Abdelaziz Bouteflika, est revenu dimanche devant la justice à Alger lors d’un nouveau procès pour corruption. Plusieurs anciens hauts dirigeants sont également poursuivis dans cette même affaire, dont deux ex-Premiers ministres de M. Bouteflika -Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal- ainsi que d’anciens ministres.

Mais le procès a été suspendu dans l’après-midi à la suite du décès soudain du frère et avocat de M. Ouyahia, Laifa Ouyahia, qui a succombé à un malaise cardiaque après l’audience de la matinée, selon des avocats de la défense. Le procès reprendra mardi, selon des médias locaux, et le verdict est attendu le lendemain.

Ex-dirigeant de la principale organisation patronale algérienne, le Forum des chefs d’entreprises (FCE), M. Haddad est incarcéré depuis mars 2019. Il est poursuivi pour «obtention de privilèges, d’avantages et de marchés publics en violation de la législation, dilapidation de deniers publics, abus de fonction, conflit d’intérêts et corruption dans la conclusion de marchés publics».

Considéré comme l’un des principaux financiers des dernières campagnes électorales de M. Bouteflika, il a avait été condamné en appel fin mars à quatre ans de prison à l’issue d’un autre procès pour corruption. Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal avaient écopé respectivement de 15 et 12 ans de prison.

Fondateur et PDG d’ETRHB, première entreprise privée du BTP en Algérie et attributaire de gigantesques contrats publics, Ali Haddad est vu comme un symbole des liens troubles entre certains milieux d’affaires et l’entourage de M. Bouteflika.

(ATS)