CONFLIT EN CASAMANCE : “LA PREMIÈRE RAISON DE L’ENTRÉE EN RÉBELLION EST POLITIQUE”

 

 

D’après les résultats du rapport « Sortir de l’impasse du « ni paix ni guerre » en Casamance », portant sur la perception du conflit casamançais au Sénégal, en Gambie, et en Guinée Bissau, le conflit Casamançais n’est ni politique, ni éthique encore moins religieux et culturel.

En effet, sur 1655 personnes sondées, du 3 au 19 mars 2019, 57% considèrent que la rébellion n’est pas le fait d’une ethnie en particulier, et si les ’’Dialos’’ sont la seule ethnie citée, dans des proportions finalement relativement modestes, 14,4% des personnes interrogées. De même, 96% n’accolent pas de religion particulière à la rébellion.

Une convergence des points de vue se dégage sur la motivation politique : « Toutes zones confondues, la première raison de l’entrée en rébellion est politique -la répression de la demande indépendantiste- renforcée par un sentiment d’injustice économique. Les réponses à cette question nous permettent de mettre en lumière des éléments importants.

Dans ce sillage, le « manque de considération des représentants de l’État » recueille une grande attention aussi bien chez les hommes que chez les femmes, interrogés dans la zone de Ziguinchor, l’épicentre du conflit, la première cause de la rébellion. Ce manque de considération s’exprime, d’abord, dans les rapports avec une Administration hautaine et dédaigneuse, qui considère les populations du Sud à travers les poncifs dégradants de la colonisation (arriérés, sauvages, animistes). Cette violence bureaucratique, physique, symbolique et épistémique a profondément détruit les rapports des citoyen(ne)s vis-vis de l’Etat, ses institutions et ses représentants. La défiance et la distance ainsi créées prédisposent à des options en termes de contestation et d’exil et à peu de loyauté envers l’Etat postcolonial », mentionne le rapport.

Lequel est catégorique : « C’est ce défaut d’intégration qui expliquerait la volonté de sortie de l’ensemble sénégalais. » Ainsi à la question : quelle est la principale revendication du Mouvement des forces démocratiques de Casamance ? La réponse largement majoritaire est celle-ci : l’indépendance politique/l’autonomie à 65%-67%, suivie de très loin par celle d’une plus grande justice économique et sociale (2%).

Sur les 64.4 % de l’effectif qui répondent, 76% considèrent que la revendication indépendantiste n’est pas légitime (soit 49% de l’effectif global). A Ziguinchor en revanche, 33% des personnes interrogées pensent que la revendication est légitime (43% des hommes contre 21% des femmes). Mais c’est exactement la même proportion, 32,3%, qui donnent une fin de non-recevoir à la demande indépendantiste (32,5% des hommes contre 32% des femmes). On le voit donc, dans la zone épicentrique, la population est très également partagée mais les femmes sont plus nombreuses à rejeter la revendication d’indépendance ».

Perception de l’action de l’Etat pour la paix

27,30% des personnes interrogées estiment que la principale action de l’État consiste à négocier avec le MFDC. « Lorsqu’on y rajoute la promotion de la médiation, l’approche dialogique devient la réponse majoritaire (39%). Mais alors même qu’elles en font leur principale réponse, les populations interrogées ne connaissent pas les résultats de cette négociation. Plus de la moitié des personnes interrogées (52%) ignore qu’un ou plusieurs accords de paix ont été signés entre l’Etat du Sénégal, et le MFDC. Et 8% pensent même qu’aucun accord n’a été signé », lit-on dans le document.

Dans le même sillage, les interrogés estiment à 51% que l’action de l’Etat a « été plutôt efficace. Ils sont aussi très nombreux (44%) ceux qui estiment a contrario que l’action de l’Etat n’est pas du tout ou plutôt peu productive. Un peu moins de la moitié de la population a donc une appréciation négative de l’action de l’Etat. »

Ainsi, ils sont 45% à n’avoir aucune confiance et partiellement confiance en l’Etat pour une résolution définitive du conflit.

De manière générale, ils sont relativement peu, parmi les personnes interrogées, à estimer que l’intervention de l’Armée en Casamance a contribué à résoudre le conflit (17%). Selon eux/elles, cette intervention a eu en revanche, comme première fonction, de contenir le conflit (22%) et ce, quel que soit l’âge ou le sexe du répondant. « Contenir le conflit », c’est-à-dire tenir celui-ci dans des limites spatiales précises, éviter son débordement, son extension mais aussi son aggravation. Et de fait, la zone du conflit n’a jamais débordé hors de la Basse et d’une partie de la Moyenne Casamance (les régions de Ziguinchor et de Sédhiou).

emedia