
Six mois après le début de la contestation contre sa réélection, Alexandre Loukachenko réunit durant deux jours à partir de ce jeudi une « Assemblée populaire pan-biélorusse ». Il a promis, à cette occasion, d’évoquer une réforme de la Constitution, mais l’opposition crie déjà à la farce.
2 300 cadres du régime, 300 invités triés sur le volet, issus du secteur de l’économie réelle et pas un seul représentant de l’opposition : « l’Assemblée populaire pan-biélorusse » est organisée à grand renforts de publicité sur les chaînes d’État.
Sur le site dédié à l’événement, on apprend que l’assemblée est constituée à 63 % d’hommes et que 76 % des participants ont plus de 40 ans. Toujours sur le site, un officiel explique que l’assemblée a été précédée d’un important travail préparatoire, avec des plateformes de dialogue où les citoyens ont pu exprimer leurs opinions politiques.
Dans les faits, aucun représentant de l’opposition qui manifeste depuis six mois, n’a été associé aux travaux. « Nous percevons cela comme un cirque, une farce, parce qu’on y emmène des gens loyaux au régime », a expliqué Svetlana Tikhanovskaya, la rivale d’Alexandre Loukachenko à la présidentielle d’août, exilée à Lituanie.
Ces derniers mois, poussé par Moscou, le chef de l’État biélorusse a évoqué des changements constitutionnels, avec la réduction de certaines prérogatives, et a mentionné une éventuelle élection présidentielle anticipée, mais ses détracteurs en doutent.
Pendant ce temps, la répression se durcit. Les arrestations se poursuivent. Selon l’ONG Viasna, le pays compte plus de 200 prisonniers politiques, du jamais vu.
« Nous ne voulons plus nous taire »
Au quotidien la mobilisation contre le régime continue mais à plus basse intensité. Face à une répression constante, les Biélorusses opposés au pouvoir doivent désormais se faire discrets et trouver d’autres moyens de manifester, rapporte notre correspondant à Minsk, Julian Coling.
« Jivye Belarus ! » « Que vive la Biélorussie ! » Un slogan chanté, crié depuis les fenêtres et les balcons de Novaya Borovaya, nouveau quartier huppé à l’est de Minsk. Tous les soirs depuis un mois, Svetlana Melavets éteint les lumières et hurle avec ses voisins son ras-le-bol du régime.
« C’est devenu très dangereux d’aller dans la rue et de se rassembler à l’extérieur, explique-t-elle. Des gens ont été arrêtés pour avoir simplement porté des vêtements blancs et rouges, le symbole du mouvement. Il n’y a plus de loi dans ce pays. Le régime aimerait que l’on se taise, mais nous, nous ne voulons plus nous taire. »
« Fierté d’etre biélorusse »
Le soulèvement populaire de l’été dernier a ouvert les yeux à de nombreux Biélorusses. Un éveil à la politique qui se vit désormais à l’abri dans les logements, à table, en famille ou entre amis. Viktar Bondarenko est un voisin de Svetlana. Lors d’une manifestation à l’automne, il était arrêté et molesté par les forces de l’ordre.
« Pendant 25 ans, on nous a répété qu’il ne fallait pas s’occuper de la vie publique, de la politique, que ce n’était pas pour nous, confie Viktar. Mais nous avons montré que ça ne nous était plus égal. Les gens ont réalisé qu’ils pouvaient s’exprimer, s’entraider, même aider des inconnus. C’est devenu une joie et une fierté d’être biélorusse. »
Parés de drapeaux blancs et rouges, certains petits groupes de téméraires continuent même de marcher dans le froid en bas des immeubles, vers un horizon plus démocratique.
rfi