Pape Amadou Sarr, ex-Dg de la Der: ESPRIT PROVOCATEUR

 

Pape Amadou Sarr, plus de 43 ans, a été limogé de la Der/Fj. Pour sa« provocation » qui a fini par une révocation. C’est un esprit bosseur, mais provocateur.

 

 

Il était discret pendant ses débuts. A la création de la Der, Pape Amadou Sarr sort de l’ombre. Parce qu’il s’agit de l’avenir des jeunes notamment qui doit reposer entre ses mains. L’avenir du pays tout court. Tous les régimes font face à ce péril jeune. Une bombe sociale. Une lave d’un volcan. Macky Sall le sait. Peut-être même pas plus que son prédécesseur, Abdoulaye Wade. Un vieux adulé par les jeunes. Un électorat aussi. Lors de sa prestation de serment en 2000, le Pape du Sopi, porté majoritairement par les jeunes, a livré ce message dans un stade Léopold Sédar Senghor archicomble : « Il faut travailler, beaucoup travailler et toujours travailler. »

Ou encore : « Dis-moi quelle jeunesse tu as, je te dirais quel peuple tu seras. » Macky Sall, cadre du Pds alors, était peut-être à ses côtés. En 2012, lui aussi s’est appuyé sur une autre génération pour dégager Wade, qui avait pourtant mis en place une kyrielle d’agences de financement de projets des jeunes et de création d’emplois. Plutôt budgétivores. Sall en a supprimé d’ailleurs au nom de la rationalisation, avant de revenir. Alors, pour une réélection et dans un contexte de chômage endémique, il faut vite innover. Et rapidement. Macky Sall a donc misé sur Pape Amadou Sarr pour une Délégation à l’entrepreneuriat rapide. Un jeune aussi, la quarantaine, mais avec un pedigree qui n’a rien à envier aux autres cadres des finances.

Génie financier
On le présente bien plus tard, quand il a commencé à faire parler de lui, comme un Sénégalais, mais un esprit plutôt… américain. C’est d’ailleurs ce ton dépourvu de « sénégalaiseries » qui lui a autorisé sa sortie désobligeante, à l’occasion du 8 mars, qui lui a coûté son poste. Sa « provocation » rimait finalement avec sa révocation. Rapide puisque le décret est sorti le lendemain. Il paraît qu’il devait partir depuis longtemps. C’est que Sarr n’a pas été débauché à la fondation Bill & Melinda Gates par Macky Sall pour rien. Nul n’est indispensable, mais c’est quand même un ancien analyste de l’Ocde, spécialiste des questions de développement, passé par la Sorbonne et l’Université d’Essex, en Angleterre…

Un « employeur » qui a le profil de l’emploi. Il a le carnet d’adresses et le génie de chercher, mais surtout de trouver des financements. Ce titre de Ministre Délégué général a, en réalité, des attributions d’un département ministériel dans son personnel, son budget, ses financements extérieurs et ses tâches. Voilà qui peut faire des jaloux aussi. Mais Pape Amadou Sarr qui se définit, dans un article de Jeune Afrique en mai 2021, comme un « technocrate rattaché à la présidence de la République », n’a pas d’ambition politique. Ou du moins c’est ce qu’il fait croire. Mais peut-être que son militantisme dans une « organisation de jeune à tendance libérale » au lycée lui a offert une petite carapace pour encaisser les coups de la majorité.

Publiquement. En avril 2021, lors d’une assemblée générale de l’Association des maires du Sénégal (Ams), le Délégué général de la Der/Fj a vu son discours noyé dans un concert de huées qui résonnaient dans la Salle du Grand Théâtre. Les maires de Benno bokk yaakaar notamment ne se sentaient pas ainsi impliqués dans la gestion du financement des jeunes de leur localité. Et certains sont allés même jusqu’à réclamer son départ. Les rappels à l’ordre du président de l’Ams, Aliou Sall, n’y ont rien fait. Pendant quelques jours, beaucoup avaient commencé à compter ses jours à la tête de cette agence.

Amadou Ba et lui
Accusé et acculé, il décide de prendre la parole à ce « procès » qui lui est fait. Au Jury du dimanche (Jdd) de iRadio du 18 avril 2021, il se défend. « Je n’en veux pas aux maires. Je suis entré dans la salle avec la conviction que j’allais être hué. J’ai été averti. On a payé des gens pour cela. J’ai la preuve et le montant, 1 million 500 mille, qui a été donné à des personnes pour m’humilier. Ce n’était pas la première fois et ce sont des pratiques que je dénonce. Mais, je suis Républicain. Je crois aux valeurs de la République », a-t-il dit. Les fronts se multiplient encore et il lui est collé un autre « délit » : sa proximité avec Amadou Ba, en disgrâce auprès de Macky Sall qui ne l’a pas reconduit dans le gouvernement du 1er novembre de 2020.

« C’est clair que certaines personnes me reprochent cela. Si c’est un critère pour rester dans le gouvernement, je pense que je ne resterai pas dans le gouvernement, parce qu’il y a des choses que j’appelle loyauté, amitié et sincérité. C’est le chef de l’Etat qui m’a confié à l’ancien ministre Amadou Ba quand je suis rentré au Sénégal. Et depuis ce jour, il ne m’a pas quitté. Il m’a pris comme son fils et il me donne des conseils. Il (Amadou Ba) ne pose jamais un acte contraire à la marche de la République. C’est quelqu’un avec qui j’ai de très bons rapports. Si mon poste va être mis sur la sellette parce que je suis proche d’un tel ou autre, je pense qu’il va être sur la sellette », avait-il ajouté. Pas loin de ce qu’il avait dit à Jeune Afrique quelques semaines plus tard : « D’aucuns me voient sur un siège éjectable, mais pour le moment vous pouvez constater que mon fauteuil est bien stable ».

« Un homme véridique qui assume son anticonformisme »
Cet homme qui est l’un des visages de la politique de l’emploi de Macky Sall est trop sûr de lui. « Vraiment, Pape était grandement apprécié avec ses qualités et ses défauts. On a pleuré toute la journée parce que ce qui le fait partir- nous ne le minimisons pas- mais il méritait d’avoir le pardon des gens », confie un de ses collaborateurs. Qui ajoute : « Il est véridique, authentique et s’assume comme étant anticonformiste ». Une autre source qui n’a pas fini de pleurer ce départ témoigne : « Ce que nous retenons, c’est ce qui le caractérisait : sa grande humanité, sa capacité à se battre pour défendre ses agents, à affronter le terrain quoi qu’il lui en coûte, à nous faire faire des réunions de coordination à 2h du matin quand on est en mission. Ces choses qu’il nous impose sans nous les imposer en étant au front. »

Et Pape Amadou Sarr avait lancé un défi :« Demain, si je quitte la Der, la personne qui prendra ma place, ne pourra pas faire mieux que ce que j’ai fait, avec les mêmes ressources dont je dispose ». C’est dire que son successeur, Mame Aby Sèye, nommée hier, a du boulot.

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