[ ÉDITO ] Le G5-Sahel meurt de sa belle mort.

Dans un récent entretien accordé au quotidien catholique français La Croix, le président de la République du Niger, Mahamadou Issoufou a annoncé la mort du G5-Sahel. Il justifie cette disparition du fait du retrait du Mali de l’organisation.

Le G5-Sahel était présenté comme un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité. Il a été créé en février 2014 et regroupait la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. En février 2022, le Mali devait assurer la présidence tournante de cette institution. Mais cela ne s’est pas réalisé. Les quatre autres Etats ne se sont pas entendus pour confier aux Maliens la présidence. La junte militaire qui dirige le pays a dû tirer la conséquence de cette situation en retirant le Mali de toutes les instances de l’organisation. Nombre d’observateurs estiment que c’est encore la France qui a bloqué la passation de témoin entre Tchadiens et Maliens, ceci pour isoler davantage les nouvelles autorités maliennes de toutes les instances internationales. Mais cela est un autre débat !

Des acteurs aux objectifs et priorités contradictoires

De fait, le G5-Sahel n’aurait jamais dû naître. C’était une énième organisation dans la zone sahélo-sahélienne, où se télescopent plusieurs organisation ou agences, quasiment, toutes aussi inefficaces les unes que les autres pour bien des raisons. Il y a eu trop d’acteurs sur le territoire sahélien : ONU, G5-Sahel, Barkhane…etc. Malheureusement volontairement ou involontairement, ils sont en partie responsables du sang des innocents qui gicle au Mali et dans les pays voisins. Car les objectifs et les priorités n’ont jamais été les mêmes pour tout le monde. Dès le début de l’opération Serval, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) se serait opposée, par exemple, à la volonté de l’état-major des armées françaises de frapper des réseaux djihadistes. On ne peut liquider l’ensemble des leaders identifiés. La DGSE estimait qu’il fallait en épargner certains. Car ils risqueraient de « devenir aveugles sur la zone » (Antoine Glaser et Thomas Hofnung, Nos chers espions en Afrique, Fayard 2018, p. 175). Les terroristes que la DGSE surveillait continuent d’endeuiller le Mali et ses voisins. Ce choix stratégique a, sans doute, fait prospérer le terrorisme au Sahel.

S’il y a un président qui doit être soulagé par l’annonce de la mort du G5-Sahel, c’est le président sénégalais, Macky Sall. Lorsque le projet de mettre en place cette organisation est émis, la France estime que le Sénégal ne peut y être membre. Il n’est pas un pays sahélien. Fallait-il en rire ou en pleurer ? Grand, a été, l’étonnement du président sénégalais. Deux des pays membres, en l’occurrence la Mauritanie et le Mali, partagent les frontières avec le Sénégal. Pour Macky Sall, l’on voulait simplement isoler son pays, alors que la guerre se déroule à sa frontière est.

Pierre Boubane, Journaliste à Tchad & Culture, à N’Djaména (Tchad) / Tambacounda.info /