
L’hypothèse d’une défaillance technique était hier soir à peu près écartée par tous les spécialistes de l’aviation civile. L’éparpillement des débris, les témoignages de bruits d’explosion en vol, vont dans le sens des experts. Autre question dérangeante: quelques mois après la disparition inexpliquée du vol MH370, erratique puis introuvable, le drame frappe encore Malaysia Airlines. Simple malheur à répétition? Ou acte terroriste délibéré? La découverte d’une bombe à bord du 777 tombé dans l’Est ukrainien ferait resurgir le spectre du terrorisme, et mettrait en cause la sécurité des grands aéroports – le vol est parti d’Amsterdam, l’un des hubs les plus importants d’Europe.
Mais la piste la plus probable, et pas la moins inquiétante, pointe vers un tir de missile. Une fusée létale contre un avion rempli de civils. Une horreur.
Méprise des autorités ukrainiennes, folie de Kiev? Cette éventualité, si elle devait s’avérer juste, discréditerait à jamais le nouveau pouvoir issu de la révolte de Maidan. Elle fournirait les arguments nécessaires à la Russie pour justifier que l’Occident cesse de soutenir des dirigeants jugés illégitimes par Moscou.
Un missile tiré par le camp prorusse? Voire de Russie même? Les services américains le pensent, le disent, de plus en plus assertifs. Ce serait une escalade aux conséquences insondables. Le pouvoir ukrainien a tout de suite présenté cette version comme un fait. Avançant que, voilà quinze jours, les rebelles ont plastronné en annonçant avoir capturé une batterie de missiles sol-air Kout, et que dans les jours qui suivirent trois avions ukrainiens, volant à des altitudes inatteignables par des lance-roquettes portés à l’épaule, ont été abattus dans cette zone.
Vladimir Poutine a joué les apprentis sorciers en armant le soulèvement des régions orientales de l’Ukraine, tout en soufflant le chaud et le froid sur la scène internationale. On peut comprendre l’inquiétude russe face à une Ukraine trop proche de l’Occident. Mais la question demeure: où le cynisme, le nationalisme et la nostalgie de puissance que dégagent depuis des mois Moscou, vont-il mener le continent européen, et avec lui le monde entier?
«Le seul moyen pour le Kremlin de dissiper les doutes est de tout faire pour permettre, sans dissimulation, l’accès libre aux pièces de cet incroyable dossier, par des spécialistes internationalement reconnus des accidents aériens»
Le crash du vol MH17 place les acteurs du conflit ukrainien dans une situation délicate. Si les rebelles prorusses, avec la bénédiction de Moscou, font obstacle, d’une manière ou d’une autre, à des experts indépendants qui doivent être dépêchés sur place pour récupérer les boîtes noires et chercher des indices dans les débris de l’appareil, alors le soupçon d’une bavure, voire d’une provocation, gagnera chacun.
A qui profiterait ce crime innommable? Qui attend l’occasion d’en appeler à Moscou pour «sauver» des populations russophones «menacées»? Le seul moyen pour le Kremlin de dissiper les doutes est de tout faire pour permettre, sans dissimulation, l’accès libre aux pièces de cet incroyable dossier, par des spécialistes internationalement reconnus des accidents aériens.
L’histoire récente nous apprend que l’accomplissement d’un tel scénario est très loin d’être acquis. Le risque est grand que cette tragédie reste plongée dans les ombres de la zone où elle s’est déroulée. Et que la seule vérité absolue demeure ces 295 vies perdues, et ces milliers d’autres éplorées à jamais.
(Newsnet)