
L’Etat islamique (EI), qui s’est emparé de pans entiers du territoire irakien, a revendiqué dimanche des attentats ayant fait au moins 24 morts à Bagdad la veille, des voix s’élevant dans le pays pour condamner l’éviction par les djihadiste des chrétiens de Mossoul.
Les chrétiens de Mossoul (nord) ont fui en masse la deuxième ville du pays, tombée aux mains de l’EI le 10 juin. Des habitants sunnites de la ville et des leaders chiites ont exprimé leur solidarité et condamné les exactions contre cette minorité.
L’EI a revendiqué dimanche quatre des sept attaques ayant fait samedi 24 morts dans des quartier chiites de la capitale, affirmant que ses attentats avaient fait plus de «150 victimes».
Peu d’attentats ont été aussi meurtriers à Bagdad depuis le début de l’offensive le 9 juin d’insurgés sunnites menés par l’EI qui a précipité le pays dans le chaos, fait des milliers de morts et forcé quelque 600’000 personnes à quitter leurs foyers.
Il y avait 35’000 chrétiens
La fuite massive des chrétiens de Mossoul, où ils était présents depuis 16 siècles, est le plus récent déplacement de population provoqué par ce groupe ultra-radical connu pour sa brutalité.
«Nous ne savons pas ce que nous allons faire ou ce qui va nous arriver. Retournerons-nous jamais chez nous?» se demande Oumm Ziyad, chrétienne de 35 ans ayant fui Mossoul vendredi avec ses quatre enfants. Elle s’est réfugiée à Qaraqosh, à une trentaine de km plus à l’est.
Selon le clergé, plusieurs milliers de chrétiens ont fui Mossoul vendredi et samedi après un ultimatum des djihadiste leur intimant de se convertir à l’islam, payer une forte somme ou quitter la ville avant samedi midi (09H00 GMT), sous peine de mort.
Le patriarche chaldéen Louis Sako avait évalué à 35’000 le nombre de chrétiens présents à Mossoul avant le début de l’offensive. Tous ont fui la ville avant l’expiration de l’ultimatum, selon lui.
L’ONU a déclaré avoir compté 400 familles arrivées dimanche dans les villes de Dohouk et Erbil, au Kurdistan irakien (nord).
Des chrétiens à Mossoul pendant plus de 1000 ans
Un chrétien ayant décidé de rester malgré tout a déclaré samedi à l’AFP au téléphone: «J’ai l’impression d’être déjà mort».
Des habitants sunnites de Mossoul, bravant leur peur de s’exprimer, ont signifié dimanche leur solidarité avec les chrétiens et affiché leurs distances vis à vis de l’EI.
«Nous considérons que c’est injuste et contraire aux principes de l’islam», a déclaré l’un d’eux au téléphone à l’AFP.
«Des chrétiens ont vécu à Mossoul pendant plus de 1000 ans», a-t-il ajouté. «Leur départ est une grande perte».
Le vrai visage de l’EI
Le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki a condamné dans un communiqué l’éviction des chrétiens de Mossoul et pressé la communauté internationale de faire front uni contre les insurgés face auxquels ses troupes ne parviennent pas à rencontrer de réels succès.
Les exactions de l’EI envers les minorités religieuses révèlent «la nature criminelle et terroriste de ce groupe et le danger qu’il représente», a dit M. Maliki.
Des responsables des villes saintes chiites de Kerbala et Najaf, accueillant déjà de très nombreux réfugiés chiites, ont déclaré que les portes de leurs cités étaient ouvertes aux chrétiens.
A Washington, le département d’État a condamné «la persécution systématique des minorités» par l’EI, et le pape François a dénoncé dimanche les persécutions des chrétiens d’Irak, «chassés» et «dépouillés de tout».
Toujours le blocage à Bagdad
Ahmed Chalabi, important politicien chiite et un des concurrents de M. Maliki pour le poste de Premier ministre, a blâmé dans un communiqué le gouvernement qui «a failli à sa tâche de protéger les citoyens irakiens» dont les chrétiens «font partie intégrante».
Il a appelé le Parlement à élire rapidement un président de la République afin de former un nouveau gouvernement.
Après plusieurs reports causés par de profondes divisions politiques, les députés ont élu mardi le chef du Parlement, Salim al-Joubouri, et doivent désormais choisir le président de la République, à qui il reviendra de désigner un Premier ministre.
Les noms des candidats au poste de président de la République devraient être annoncés dimanche, au lendemain du retour au pays du mandataire Jalal Talabani, après 18 mois de convalescence en Allemagne.
Au pouvoir depuis 2006, M. Maliki est contesté en raison de son autoritarisme et de sa politique de discrimination envers les sunnites et les Kurdes, et de nombreuses voix ont réclamé son départ pour favoriser les efforts de réconciliation nationale.
(smk/afp/Newsnet)