Eurobond de 450 milliards de Cfa : LES INTÉRÊTS DU SÉNÉGAL EN CHUTE LIBRE

 

 

L’eurobond de 750 millions de dollars levé par le gouvernement Sonko dès son arrivée aux affaires ne cesse de faire parler de lui. Outre le fait que le gouvernement n’a jamais voulu communiquer sur son utilisation, on apprend qu’il va être encore plus cher à rembourser dans les circonstances actuelles.Par M.G – 

En marge de la cérémonie de lancement du Forum Invest in Sénégal, il y a un peu plus d’une semaine, le Premier ministre s’est félicité de ce que «le pays est resté debout» alors que «depuis un an, aucun décaissement n’a été fait au profit du Sénégal». La leçon qu’en a tirée M. Ousmane Sonko est que «nous avons les capacités et les moyens de compter d’abord sur nous-mêmes».
En plus de lever des finances à travers un élargissement de l’assiette fiscale, agrandie grâce à l’afflux des revenus tirés du pétrole depuis l’exploitation de Sangomar, le gouvernement compte poursuivre sa politique de levée des obligations du Trésor sur le marché financier sous-régional. Le député Thierno Alassane Sall, leader du parti «La République des valeurs», a évalué à 1694 milliards de F Cfa de fonds levés en une année sur le marché financier de l’Uemoa. Il analyse que la majorité des fonds ainsi levés ont servi aux dépenses de fonctionnement.
Cette situation est la conséquence de l’arrêt de la coopération avec les bailleurs multilatéraux, en tête desquels on remarque le Fonds monétaire international (Fmi).
On se rappelle que très peu de temps après l’interruption de cette coopération, le gouvernement du Sénégal s’était empressé d’aller lever en juin 2024, sur le marché international, la somme de 450 milliards de francs Cfa, ou 750 millions de dollars, sous la forme d’eurobonds. Edward Gemayel, chef de mission du Fmi, avait souligné l’inopportunité de l’opération qui avait été effectuée à l’insu du Fmi. Devant arriver à échéance en 2031, l’eurobond est remunéré à 7.5%, le taux le plus élevé jamais contracté par le Sénégal, pour un délai aussi court. A ce jour, l’opinion sénégalaise n’a jamais été informée de l’utilisation de cet argent ainsi obtenu.
Et voilà que la presse étrangère, notamment l’agence anglaise Reuters, informe que «les obligations en dollars du Sénégal ont enregistré des pertes de 7, 3% pour les investisseurs cette année, selon un indice obligataire de JP Morgan». Cette situation se passe au moment où les emprunts des autres pays africains connaissent «des gains moyens de 3% sur la même période», souligne la dépêche. Ce qui veut dire que les intérêts que le pays va devoir payer sur cet eurobond seront encore plus élevés que prévu.
JP Morgan, qui avait été le facilitateur de cette opération de levée d’eurobond, souligne ainsi que «le rendement des obligations placées par le Sénégal en privé l’année dernière est supérieur de près de 100 points de base à celui de son euro-obligation 2031, ce qui signifie que le pays paie davantage pour la nouvelle dette». Cela illustre, selon JP Morgan, «les coûts pour les pays qui ont déjà du mal à financer des secteurs essentiels comme la santé et l’éducation».
Les analystes soulignent ainsi les risques qu’encourent les pays qui, comme le Sénégal, le Gabon ou le Cameroun, vont s’endetter sur le marché international, en se mettant «derrière le rideau», selon l’expression consacrée, c’est-à-dire dans une procédure opaque, qui les lie à un seul intermédiaire. Pour le Sénégal et son fameux eurobond, cela avait été JP Morgan. Cela a été l’emprunt le plus élevé jamais opéré par le Sénégal sur le marché financier. Et il s’avère le moins rentable à terme.
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