Haute Cour de justice : 86 jours de silence, le mystère autour de l’audition de Mansour Faye

 

Depuis le 26 mai 2025, l’ancien ministre du Développement communautaire, Mansour Faye, est incarcéré à Rebeuss. Accusé d’une série d’infractions financières liées à la gestion des fonds Force Covid-19, il n’a toujours pas été entendu par la Haute Cour de justice. Ses avocats dénoncent un dossier « vide », une procédure « irrégulière » et un acharnement politique sans précédent.

86 jours derrière les murs glacials de Rebeuss

Cela fait près de trois mois que Mansour Faye, également maire de Saint-Louis, vit dans les couloirs austères de la prison centrale de Dakar. Placé sous mandat de dépôt après sa comparution devant la chambre d’accusation de la Haute Cour de justice, il fait face à une avalanche d’accusations : association de malfaiteurs, corruption, concussion, détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux, faux et usage de faux, prise illégale d’intérêts, et même complicité sur l’ensemble de ces chefs.

Au cœur du dossier : la gestion de 2,7 milliards de FCFA de fonds Force Covid-19, destinés au Programme de résilience économique et sociale. Mais contrairement à d’autres anciens ministres mis en accusation et déjà auditionnés — comme Moustapha Diop, Ndèye Saly Diop Dieng, Ismaïla Madior Fall ou Aïssatou Sophie Gladima —, Mansour Faye, lui, n’a toujours pas été entendu.

Une procédure contestée par la défense

Pour ses avocats, Me El Hadj Amadou Sall et Me El Hadj Diouf, cette situation est une anomalie judiciaire. « Mansour Faye a été emprisonné le temps de chercher des preuves », martèle Me Sall. L’avocat énumère dix failles majeures dans la procédure : absence d’audition préalable, aucun rôle direct dans l’attribution des marchés, validation et paiements effectués par le ministère des Finances, contrôle préalable de la gendarmerie, et surtout… un rapport de la Cour des comptes qui ne cite jamais Mansour Faye.

« Normalement, on prouve avant d’incarcérer. Ici, on incarcère d’abord et on cherche ensuite », dénonce Me Sall, estimant que « le dossier est mal ficelé depuis le départ par l’Assemblée nationale ».

L’argument de l’appel d’offres

La défense insiste également sur la question de la surfacturation, considérée comme l’une des principales charges. Selon Me Sall, le marché incriminé a été attribué à un fournisseur « mieux-disant », dont l’offre (275 000 FCFA/tonne) était inférieure aux prix moyens du marché (300 000 FCFA). « Comment parler de surfacturation si l’État a économisé de l’argent ? », s’interroge-t-il.

Pour Me Diouf, son client paie en réalité son indépendance : « C’est le seul ministre qui a osé passer outre la directive du président Macky Sall, qui avait demandé de ne plus faire d’appel d’offres. On l’accuse alors qu’il a justement respecté les règles de transparence. »

Une détention jugée politique

Les avocats dénoncent une « volonté politique d’abattre Mansour Faye ». Selon Me Diouf, la Haute Cour de justice, composée majoritairement de députés, fonctionne comme une « juridiction politique », privant son client de tout recours effectif. « Cela revient à lui appliquer la guillotine sans motif valable », fustige-t-il.

La bataille dépasse les frontières

Face à ce qu’ils considèrent comme une violation flagrante des droits de l’homme, les conseils de Mansour Faye affirment avoir saisi plusieurs instances internationales : l’Union africaine, la CEDEAO, le Comité des droits de l’homme de l’ONU, ainsi que des institutions européennes. Leur objectif : obtenir au minimum une liberté provisoire pour leur client, en attendant que la justice se décide enfin à l’entendre.

 

dakaractu.com /