Diomaye et Sonko, l’alerte du Pr Moussa Diaw : «Ce climat d’épreuve de force entre les deux hommes risque de…»

 

Entre Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, les rapports semblent s’être détériorés. Du «Tera meeting» de samedi à l’affaire «Diomaye Président» de ce lundi, les actes posés par les deux hommes ne laissent point doute. Dans ce bref entretien, le Professeur Moussa Diaw, politologue, décortique les derniers développements et alerte.

Le Tera meeting semble avoir démontré le rangement de l’appareil Pastef et des militants derrière Ousmane Sonko. Le Pr. Diomaye est-il aujourd’hui un président seul et isolé ?

La réussite de ce grand rassemblement est un signal très fort qui conforte la position du chef du parti, Ousmane Sonko. Toutefois, le Président Diomaye ne peut être considéré comme isolé, d’autant qu’il appartient et bénéficie du soutien de cette majorité. D’ailleurs, il est au cœur du discours de Sonko, révélant leur complémentarité et concertation permanente dans la réalisation du projet de développement politique, économique et social du Sénégal.

Quel Message Ousmane Sonko a voulu lui lancer à travers cette mobilisation gigantesque ?

Le message semble clair. C’est pour, d’abord, démontrer qu’il est incontournable par le soutien indéfectible dont il dispose de la part des militants dévoués à sa cause. C’est un rapport de force qui le place au centre du dispositif politique et social sans lequel aucune transformation ne peut se faire. Dès lors, s’opposer à lui constitue un risque énorme, non seulement pour la viabilité du projet mais surtout la stabilité institutionnelle du pays.

Le Pr. Diomaye est-il, aujourd’hui, écrasé par le poids (popularité) de son premier ministre ?

Je ne pense pas que le Président Diomaye puisse avoir ce sentiment. Mais il est évident qu’il en tient compte dans son action politique. Il ne faut pas perdre de vue que son arrivée à la tête de l’État est le résultat d’une stratégie dont la paternité revient à son premier ministre. L’œuvre de ce dernier ne peut être sous-estimée sous le prisme de manœuvres politiciennes ou tentatives de positionnement dans un contexte de relâchement politique. Si une telle hypothèse se présente, elle ouvre une crise politique dont l’issue serait incertaine.

Finalement, la démission du Président des instances de son parti, cela ne l’affaiblit-il pas ?

Non, je ne crois pas car c’est une tradition démocratique. Dans les grandes démocraties comme en France, le président élu cède sa place dans sa formation politique. C’est le cas de François Mitterrand et Jacques Chirac pour ne citer que ceux-là. Le président n’en sortira pas affaibli, il sera au-dessus des contingences partisanes. Il aura une position équilibrée pour faire des arbitrages.

Quelle lecture faites-vous des derniers développements, notamment le limogeage de Aïda Mbodj de la Présidence de «Diomaye Président», la nomination de Mimi Touré etc ?

La nouvelle contradiction entre le Président et son premier ministre, dans le choix de la présidente de la coalition “Diomaye Président”, illustre davantage les relations heurtées entre les deux hommes. Sonko avait jeté son dévolu sur Mme Aïda Mbodj devant les militants lors de son «Téra meeting». Le Président Diomaye, dans un communiqué, vient de prendre son contre-pied en nommant Mme Aminata Touré. Ce climat d’épreuve de force entre les deux hommes risque de finir par une crise institutionnelle et politique. 

Quelles conséquences cela pourrait générer entre les deux hommes ?

À chaque fois qu’une telle situation se dessine, des négociations arrivent à réduire la tension au sommet de l’Etat. Toutefois, on ne peut observer, de façon récurrente, ce type de rapports qui peuvent déteindre sur le fonctionnement de nos institutions. Il faudra y mettre fin, et il incombe au Président de la République d’éviter de tels écueils, symptomatiques de dysfonctionnements au sein de l’exécutif.

Le maintien de Abdourahmane Diouf dans le gouvernement risque-t-il de mener les deux hommes vers des lendemains encore plus délicats ?

Oui, le maintien de Abdourahmane Diouf dans le gouvernement, malgré les griefs du premier ministre, ne sera pas de nature à améliorer les relations entre les deux chefs de l’exécutif. En général quand un ministre n’a pas les mêmes positions ou visions que le gouvernement, il le quitte pour convenance personnelle ou divergences d’appréciation. Malheureusement cette attitude n’est pas encore ancrée dans nos mœurs politiques. En tout cas, ces contradictions ne peuvent perdurer dans un gouvernement qui fait face à de nombreux défis.

NB : Entretien réalisé avant le communiqué de Pastef

 

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