
Devant plusieurs dizaines de milliers de fidèles chauffés à blanc réunis dans son bastion de Konya (centre), Recep Tayyip Erdogan, 60 ans, n’a pas semblé douter de sa victoire sur ses deux rivaux de l’opposition, dès le premier tour.
«Si Dieu le veut, une nouvelle Turquie naîtra demain. Une Turquie forte va une nouvelle fois renaître de ses cendres demain», a-t-il lancé.
«Vous avez élu le parti du peuple 3 novembre (2002) et, si Dieu le veut, vous allez élire le président du peuple demain», a ajouté le chef du gouvernement en référence à son Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002.
«L’heure de la fin de la vieille Turquie et de ses politiques partisanes (…) a sonné. Les politiques fondées sur l’origine ethnique et le style de vie ont vécu», a insisté Recep Tayyip Erdogan, qui s’est autoproclamé «candidat du peuple» et a promis d’être le président «des 77 millions de Turcs» et de lutter contre «toutes les discriminations».
Rouleau-compresseur
A la tête du gouvernement depuis 2003, Recep Tayyip Erdogan est le grandissime favori du scrutin présidentiel de dimanche, disputé pour la première fois au suffrage universel direct.
Il est opposé à un candidat commun aux deux principaux partis d’opposition, Ekmeleddin Ihsanoglu, professeur d’histoire de 70 ans et ex-patron de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), et à un avocat de 41 ans, Selahattin Demirtas, issu de la minorité kurde du pays nommé par le Parti démocratique populaire (HDP).
Le dernier sondage rendu public cette semaine par l’institut privé Konda crédite Recep Tayyip Erdogan de 57% des intentions de vote, contre 34% à Ekmeleddin Ihsanoglu, qui représente le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et le Parti de l’action nationaliste (MHP, nationaliste de droite), et 9% à Selahattin Demirtas.
A la manière d’un rouleau-compresseur, le chef du gouvernement a écrasé la campagne électorale de son charisme et de sa puissance financière, qui lui a permis d’inonder le pays d’affiches et de spots publicitaires à sa gloire.
Un de ses responsables de campagne, Erol Olcak, a confié cette semaine à la chaîne d’information CNN-Türk qu’il avait récolté le 7 août plus de 42 millions de livres turques (près de 15 millions d’euros), contre à peine 2,1 millions pour Ekmeleddin Ihsanoglu (moins de 700’000 euros) et 1 million (plus de 300’000 euros) pour Selahattin Demirtas.
L’Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe (OSCE), qui a délégué une mission de surveillance du scrutin, a pour sa part dénoncé l’absence de «séparation claire entre les activités gouvernementales et électorales» dans le camp du pouvoir.
Dérive autoritaire et islamiste
Face à cette organisation et à l’emprise du régime sur les principaux médias du pays, les discours des rivaux de Recep Tayyip Erdogan n’ont pas réussi à percer dans un pays majoritairement religieux et conservateur.
Contraint de quitter le poste de Premier ministre au terme de son troisième mandat à l’issue des législatives de 2015, celui-ci a déjà prévenu qu’il continuerait à diriger le pays depuis une présidence qu’il veut «renforcer» en modifiant la Constitution.
Cette volonté suscite de nombreuses inquiétudes et critiques parmi ses rivaux, qui dénoncent depuis les manifestations de la mi-2013 la dérive autoritaire et islamiste de Recep Tayyip Erdogan et de son gouvernement.
Dans un entretien accordé, Ekmeleddin Ihsanoglu a dénoncé le «fantasme» de la «présidence forte» vantée par son adversaire et mis en garde contre «l’accumulation de tous les pouvoirs dans une seule main» s’il l’emportait.
Les quelque 53 millions d’électeurs turcs sont appelés aux urnes dimanche dès 7h à 16h, pour un verdict attendu en soirée.
(afp/Newsnet)