Irak: écarté, Maliki s’en prend à Washington

 

Le Premier ministre sortant irakien Nouri al-Maliki, qui briguait un 3e mandat, a jugé que la nomination lundi de son successeur constituait une violation de la Constitution, menée avec le soutien des Etats-Unis. Une déclaration de Barack Obama est attendue dans les heures qui viennent.


«Nous rejetons cette violation de la Constitution», a affirmé Nouri al-Maliki en faisant référence à la nomination de Haïdar al-Abadi, un membre de son parti, comme nouveau chef du gouvernement. Washington «s’est tenu aux côtés de ceux qui ont violé la Constitution», a-t-il ajouté dans un enregistrement diffusé à la télévision.

Félicité par les Etats-Unis

Les Etats-Unis ont félicité Haïdar al-Abadi et le secrétaire d’Etat américain John Kerry avait dit «espérer que Nouri al-Maliki ne causera pas de problèmes».

Haïdar al-Abadi a été choisi par l’Alliance nationale, le bloc parlementaire chiite, comme son candidat au poste de Premier ministre.

Membre du parti Dawa de Nouri al-Maliki, Haïdar al-Abadi, né en 1952 et titulaire d’un doctorat de l’université de Manchester au Royaume Uni, est considéré comme un proche du chef du gouvernement sortant.

«Le pays est entre vos mains»

Alors que Nouri al-Maliki a le soutien d’un grand nombre d’officiers au sein des forces armées, le représentant spécial de l’ONU à Bagdad, Nickolay Mladenov, a appelé ces forces à ne pas s’ingérer dans la transition politique.

Les forces spéciales, la police et l’armée se sont déployées en force aux abords de positions stratégiques dans Bagdad, où les grandes artères étaient bouclées, des ponts fermés, et la Zone verte, abritant les institutions clés, encore plus protégée que d’ordinaire.

«Le pays est entre vos mains», a dit le président Fouad Massoum en nommant Haïdar al-Abadi. Ce dernier venait d’être choisi par l’Alliance nationale, le bloc parlementaire chiite, comme son candidat, le poste de Premier ministre revenant à un chiite selon une règle non écrite. La coalition de Nouri al-Maliki -l’Etat de droit- fait partie de l’Alliance nationale.
Faire face à l’offensive des djihadistes

La formation d’un gouvernement d’union est réclamée à cor et à cri par la communauté internationale pour faire face à l’offensive lancée le 9 juin par les djihadistes sunnites de l’Etat islamique (EI) qui continuent de s’emparer de pans de territoires en Irak et de mener des exactions contre les minorités religieuses, poussant à l’exode des centaines de milliers de personnes.

La coalition de Nouri al-Maliki avait remporté les législatives d’avril. Et Nouri al-Maliki estimait avoir la légitimité pour un 3e mandat.

«Un avenir meilleur pour les Irakiens»

Déjà dimanche soir, il avait accusé Fouad Massoum d’avoir violé la Constitution en retardant la nomination d’un Premier ministre et annoncé son intention de porter plainte contre lui. Mais dans cette bataille, Nouri al-Maliki a perdu de précieux alliés, américains ou membres de son propre parti.

Le vice-président américain Joe Biden a félicité, lors d’un appel téléphonique, le nouveau premier ministre, qui lui a assuré qu’il avait l’intention de former «rapidement» un gouvernement «large capable de contrer la menace de l’EI et de construire un avenir meilleur pour les Irakiens de toutes les communautés», selon la Maison Blanche.

Frappes aériennes américaines

Washington a décidé, après de fortes hésitations, de venir en aide aux Irakiens en lançant depuis vendredi des frappes avec des avions et des drones contre des positions djihadistes dans le nord irakien, pour contrer leur avancée en direction du Kurdistan et protéger le consulat américain d’Erbil, la capitale de cette région autonome.

Le département d’Etat américain a aussi annoncé des livraisons d’armes aux forces kurdes, commencées la semaine dernière.

Réunion pour contrecarrer l’EI

Une réunion extraordinaire des ambassadeurs des pays de l’Union européenne a en outre été convoquée mardi à Bruxelles pour examiner les moyens de contrecarrer l’avancée de l’EI.

L’armée irakienne a échoué jusque-là à défaire les djihadistes qui se sont emparés de pans entiers du territoire dans l’ouest, l’est et le nord du pays, sans rencontrer de grande résistance.

Dans le nord, les forces kurdes, sous pression financière et plombées par le poids que représente la sécurisation d’un nombre supplémentaire de régions devant la déroute de l’armée, ont dû fuir devant l’EI.

Catastrophe humanitaire

Les djihadistes en ont profité pour s’approcher à une quarantaine de km d’Erbil, et s’emparer du barrage de Mossoul, le plus grand du pays. Les frappes américaines ont néanmoins permis aux peshmergas de reprendre les villes de Makhmour et Gwer, mais ils ont perdu Jalawla.

La situation humanitaire reste, elle, catastrophique: des centaines de milliers de personnes ont été jetées sur les routes dont de nombreux chrétiens chassés de Mossoul, deuxième ville du pays, et de la localité chrétienne de Qaraqosh, aux mains de l’EI.

Couper les vivres aux insurgés

La minorité kurdophone et non musulmane des Yazidis est également menacée depuis la prise de Sinjar, l’un de ses bastions. Réfugiés dans les arides montagnes environnantes, des milliers de Yazidis tentent de survivre entre la famine et les djihadistes, sous des chaleurs pouvant dépasser les 50°. Washington, Londres et Paris leur ont envoyé des vivres.

Enfin, le Conseil de sécurité de l’ONU a entamé la rédaction d’un projet de résolution visant à couper les vivres, en argent et en hommes, des djihadistes en Irak.
(afp/Newsnet)