
Le Qatar vient de faire des «concessions» à ses partenaires arabes.
Doha n’a pas ménagé sa peine depuis trois semaines pour régler ses différends. Il a condamné sans équivoque des «groupes extrémistes» et réussi les médiations pour la libération d’un otage américain et de 45 Casques bleus fidjiens en Syrie. Il a entamé un rapprochement avec Ryad après six mois de brouille et surtout annoncé samedi le départ de dirigeants égyptiens des Frères musulmans réfugiés chez lui.
«Certaines figures» des Frères musulmans, «à qui on a demandé de relocaliser leurs bureaux à l’extérieur du Qatar, ont accepté» de le faire «pour éviter tout désagrément» à ce pays, a annoncé Amr Darrag, un dirigeant de la confrérie.
Cette mesure concerne sept responsables du mouvement islamiste, dont le secrétaire général Mahmoud Hussein. Doha n’a encore rien dit officiellement.
Conflit ouvert avec l’Egypte
De toutes les critiques auxquelles a fait face ce petit mais richissime émirat gazier, celles concernant ses relations politiques et financières avec les Frères musulmans lui ont causé le plus de tort dans le monde arabe, selon des spécialistes.
Le Qatar s’est ainsi retrouvé en conflit ouvert avec l’Egypte, qui mène une répression sanglante contre la confrérie, mais aussi avec certains de ses voisins du Golfe qui l’ont interdite, la qualifiant de «terroriste» et de «menace» pour leur stabilité. En mars, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn avaient rappelé leurs ambassadeurs basés à Doha.
Le Qatar et la Turquie étaient les seuls pays du Moyen-Orient à soutenir ouvertement les Frères musulmans après le renversement par l’armée égyptienne du président islamiste Mohamed Morsi en 2013.
L’EI a changé la donne
Le contexte international et régional, avec les préparatifs de guerre contre l’Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie, a changé la donne et forcé Doha à rétablir les ponts avec ses partenaires, explique Mustafa Alani, analyste au Gulf Research Center basé à Genève.
Le Qatar n’avait «pas d’autre option que de réduire – pas d’interrompre – ses relations avec les Frères musulmans», alors qu’il avait pratiquement tout misé sur la confrérie et ses relais pour étendre son influence dans la région depuis le début des révoltes arabes fin 2010, indique-t-il.
En raison de pressions de toutes parts, le Qatar «ne pouvait pas résister» et il a «pris une décision difficile en demandant à ces gens de partir», ajoute Mustafa Alani. C’est «une concession importante».
Selon lui, Khartoum est la «nouvelle destination» des dirigeants des Frères musulmans, qui pourraient également trouver refuge en Turquie ou en Malaisie.
«Réalisme»
«Nous voyons enfin le Qatar adopter un état d’esprit arrangeant et réaliste», renchérit Abdulkhaleq Abdulla, professeur de sciences politiques à l’Université des Emirats. «Mouton noir» du Golfe, «il ne pouvait rester plus longtemps isolé par rapport à ses partenaires» et «se permettre d’être sous la pression croissante de capitales comme Washington».
Abdulkhaleq Abdulla est persuadé que l’Arabie saoudite a joué un rôle essentiel dans ce changement, sa diplomatie ayant «directement visé le Qatar». Les chefs de la diplomatie des deux pays se sont vus à quatre reprises depuis le 24 août, la dernière fois jeudi en présence du secrétaire d’Etat américain John Kerry.
Lina Khatib, de l’institut Carnegie Endowment for International Peace, estime que le Qatar est en train de perdre son influence régionale.
«La politique étrangère expansionniste de Doha a été mise à mal par de mauvais calculs, des défis internes et la pression internationale, toutes ces questions étant liées à sa relation avec Ryad», souligne-t-elle. «Conséquence de ces revers, le rôle régional du Qatar a diminué et, dans un avenir prévisible, son influence extérieure devrait s’opérer sous la houlette de l’Arabie saoudite».
(ats/Newsnet)