La tolérance suédoise face à la montée de l’extrême droite

 

 

«La Suède est sous le choc», commente Håkan Bengtsson, directeur du think tank Arena, après le score historique des SD, qui ont fait de la lutte contre l’immigration un cheval de bataille. Dans un pays qui se targue d’une longue tradition d’accueil, ce parti a brisé le consensus et recueilli 12,9% des voix, devenant la troisième formation dans un Parlement où il ne siégeait pas il y a cinq ans.

«C’est un peu déroutant», analyse Håkan Bengtsson. «Dans son ensemble, la population est de plus en plus acquise à la société multiculturelle (…) Mais, d’un autre côté, les Démocrates de Suède progressent».

Les coûts de l’asile

Cette année, le royaume de 9,7 millions d’habitants table sur l’arrivée d’au moins 80’000 nouveaux réfugiés fuyant des zones comme la Syrie et la Somalie, un afflux jamais vu depuis le conflit yougoslave dans les années 1990.

Son coût est un sujet de moins en moins tabou dans un pays qui s’efforce de résorber ses déficits publics et où le taux de chômage tourne autour de 8%. Pour la première fois, l’immigration est devenue un thème de campagne et les SD ont plus que doublé leur résultat par rapport au scrutin de 2010.

«C’est trop de réfugiés. On n’en a pas les moyens», estimait Madeleine Filipiak, une serveuse de 20 ans rencontrée à la soirée électorale des SD. Elu local du centre de la Suède, Mårten Hjärtenfalk disait, lui, s’inquiéter de la fermeture prévue dans son district de deux maisons de retraite pour en faire des centres d’accueil pour immigrés.

Selon Håkan Bengtsson, les Démocrates de Suède ont séduit parmi la classe ouvrière, les personnes âgées, les chômeurs et dans les régions désindustrialisées.

Discours à lisser

Leur poussée fait écho au succès grandissant de l’extrême-droite ou de la droite populiste sur le Vieux Continent sur fond de crise économique, chômage, mécontentement envers la mondialisation et l’immigration.

«Ça a juste pris plus longtemps en Suède», explique Andreas Johansson Heinö, chercheur à l’université de Göteborg. «Le système politique suédois est très unidimensionnel», avec un clivage droite-gauche, «et il est difficile pour les partis populistes et anti-establishment de gagner des voix», dit-il.

«Et puis, les Démocrates de Suède étaient très extrémistes dans les années 1990: il leur a fallu du temps pour qu’ils changent leur fond et leur image et espérer ainsi attirer plus d’électeurs».

«Maîtres du jeu»

Dès dimanche soir, leur jeune chef, Jimmie Åkesson, a tenté de sortir les SD de leur isolement. Se posant en «maître du jeu» face aux partis traditionnels, il s’est dit prêt à travailler avec eux sur le mode du donnant-donnant.

Mais le probable futur premier ministre, le social-démocrate Stefan Löfven a immédiatement décliné l’invitation, comme l’avait fait avant lui le chef du gouvernement sortant, Fredrik Reinfeldt (centre-droit).

Dans les autres pays nordiques, les partis populistes anti-immigration ont acquis une respectabilité qui manque aux SD, ayant lissé leur discours bien avant eux.

Au Danemark, le gouvernement minoritaire de centre-droit s’est appuyé sur le soutien du Parti du peuple danois (DF) pendant dix ans, jusqu’en 2011. En Norvège, le parti du Progrès (FrP) siège depuis octobre 2013 au sein de la coalition au pouvoir.

Tolérance zéro pour le racisme

Ce n’est qu’en 2012 que Jimmie Åkesson a décrété une «tolérance zéro» pour le racisme chez les SD, une formation qui rejette le label «extrême-droite» et préfère se définir comme «parti social conservateur et nationaliste».

La semaine dernière, une dizaine de candidats ont dû se retirer après les révélations d’un journal leur attribuant des propos xénophobes sur internet. «Cela représente moins de 1% de nos candidats», a déclaré le chef du groupe parlementaire, Björn Söder. «On les a expulsés car ils ne sont pas les bienvenus chez nous».

(afp/Newsnet)