
Le mot est à la mode, mais Jean-Christophe Cambadélis ne veut pas être l’homme providentiel du PS. Non, il se définit comme un militant soucieux de la rénovation du socialisme et attentif à ce que sa formation traverse au mieux «les événements terribles» qu’elle a vécus. Le premier secrétaire du PS, en baroudeur de la politique (63 ans) qui a connu bien des retournements – il a été le bras droit de Dominique Strauss-Kahn – a attendu que le bateau traverse la tempête d’une rentrée très chahutée avant de nous répondre.
Le retour de Nicolas Sarkozy, c’est la meilleure chose qui soit arrivée au PS ces derniers temps? Nicolas Sarkozy a tout fait pour être élu. Les Français n’en ont pas voulu. Il reste un redoutable compétiteur mais sa stratégie a un seul slogan: «Moi». Sa tactique a un seul paramètre, «moi», et son programme se réduit à un seul mot d’ordre, «moi». C’est un peu court pour séduire les Français.
Pensez-vous un retour de popularité possible pour François Hollande? La situation politique française est volatile. On disait, dix-huit mois avant la présidentielle, Edouard Balladur imbattable et quelques années plus tard, Lionel Jospin, PS, gagnant d’avance. Pourtant, dans les deux cas, ils ont été éliminés. La vie politique a beaucoup plus d’imagination que les sondages!
Etes-vous favorable à des primaires au sein du PS pour désigner le candidat de 2017?Les statuts le permettent, mais pour l’instant je n’ai ni des demandes ni des candidats.
Et quid des candidatures sauvages? Arnaud Montebourg ou Martine Aubry par exemple… Sûrement pas! Si notre candidat ne fait pas le plein des voix de gauche au premier tour de l’élection présidentielle, il sera éliminé. On aura donc une bataille au deuxième tour: droite – extrême droite. Dans ces conditions, personne ne prendra le risque soit de faire perdre la gauche, soit d’être ultramarginalisé par le vote utile.
Le gouvernement de Manuel Valls ne dispose au Parlement que d’une majorité relative. Est-ce suffisant pour tenir trois ans? Il y a au Parlement une majorité relative pour Manuel Valls. Il n’y a pas de majorité contre Manuel Valls. Les opposants du PS à la ligne économique du gouvernement ont indiqué qu’ils ne voteraient jamais contre le gouvernement car «ce serait synonyme de dissolution et d’exclusion».
Les «frondeurs» sont-ils dans le vrai quand ils disent ne pas avoir été élus sur le programme appliqué aujourd’hui? Les «opposants» ont été «élus candidats» par les militants du PS. La tradition du PS n’est pas la remise en cause des partis. Le lien direct entre les députés et les électeurs, c’est une culture bonapartiste qui n’est pas la nôtre. Leur mandat est de redresser économiquement la France dans la justice. J’observe enfin que le désaccord ne porte pas sur les 50 milliards d’économies mais sur la répartition entre les ménages et les entreprises.
En quoi le tournant social-démocrate du gouvernement français est-il comparable à ceux de Blair et Schroeder? Je pense que cette inflexion de politique n’est que conjoncturelle face à une trop faible croissance. Elle n’a rien à voir avec le blairisme qui théorise la neutralité de l’économie… J’ai dit et je vous le répète, le social libéralisme n’est ni notre culture ni notre vocabulaire.
Alors en quoi ces réformes, la Britannique et l’Allemande, sont-elles différentes de la Française? Blair avait théorisé une troisième voie entre le socialisme étatique et la social-démocratie avant d’arriver au pouvoir. Schroeder, lui, s’est attaqué à certains acquis sociaux au cours de son mandat. Tout simplement parce que l’économie allemande était à cette époque sous-compétitive vis-à-vis de la France. Il a obtenu de l’Europe et grâce à la France une autorisation pour aller au-delà de 4% de déficit et ses réformes se sont étalées sur dix ans.
Le cap économique du pacte de responsabilité semble désormais évident pour le gouvernement. L’est-il pour le Parti socialiste? Le gouvernement a un cap clair. Le PS, lui, redéfinit sa carte d’identité qui ne se veut ni sociale-libérale ni néocommuniste. Il s’agit de fonder un nouveau progressisme où nos valeurs et nos principes retrouveront leur pertinence et leur efficacité dans la «nouvelle économie» et sa révolution de l’immatériel.
Ce travail de mise à jour n’aurait-il pas dû être fait pendant les dix années d’opposition (depuis 2002)? Le PS a travaillé pendant les dix dernières années. La preuve en est que le programme du candidat Hollande n’était pas une rêverie. Il indiquait que l’on ne pouvait distribuer que ce que l’on avait produit. Et il soulignait l’urgence de la remise à flot budgétaire de la France. Ce que nous avions sous-estimé, ce sont les plans sociaux cachés ou retardés à l’après élection et l’état réel de la production industrielle française qui était en chute libre. Retrouver des marges de compétitivité pour les entreprises tout en asséchant les déficits sans pour autant tomber dans l’austérité ni casser notre modèle social fut notre problème en arrivant au pouvoir.
Social-démocrate; social-libéral, n’est-ce pas pour les politologues? Vos électeurs n’attendent-ils pas simplement des résultats – du pouvoir d’achat, de l’emploi, des perspectives d’avenir? C’est parce que les salariés s’intéressent à leur pouvoir d’achat ou à l’emploi qu’ils ne sont pas indifférents à une politique qui favorise la production, l’industrie; et une politique qui favorise la rente. Ne sous-estimez pas la capacité du peuple de faire le lien entre une «offre» théorique et ses conséquences pratiques.
La parenthèse du sénat à gauche n’aura duré que trois ans. La gauche n’est-elle pas en train de rater une occasion historique de changer la France? Était-elle suffisamment préparée à prendre le pouvoir? Le Parti socialiste a perdu les élections municipales. Et comme le Sénat dépend de ces élections, il était certain que nous allions perdre le Sénat. Constatons quand même que tous les analystes disent que le PS a mieux résisté que prévu. Ce qui indiquerait que le PS, deuxième parti de la haute assemblée avec 112 élus, n’est pas sans recours. Non seulement nous étions préparés à prendre le pouvoir, mais rien ne dit que nous allons dans deux ans et demi le perdre.
Toujours à propos du pacte de responsabilité, n’avez-vous pas le sentiment de faire le sale boulot de la réforme? Vous tirez les marrons du feu pour la droite? On peut, au nom de l’électoralisme, différer ou refuser des réformes. C’est tourner le dos à l’intérêt général et pousser des réformes devant soi qui deviennent ingérables et se retournent contre ceux qui professent l’immobilisme.
Le MEDEF a fait, en matière de réglementation du travail, des propositions radicales mais peut-être nécessaire. Provocation ou nécessité de faire bouger les lignes politiques? Je trouve que le MEDEF manque d’imagination. Depuis près de trente ans, il avance les mêmes revendications. Revendications elles-mêmes assorties des mêmes promesses d’emplois. Il n’y a rien de nouveau.
(24 heures)