
Pour une fois, le débat qui agite Washington n’est pas politique. Après une série d’incidents qui ont suscité des interrogations sur la sécurité du président des Etats-Unis, faut-il modifier, voire complètement repenser les grilles qui entourent les jardins de la Maison-Blanche?
Les intrusions sur les pelouses qui mènent à la résidence présidentielle des Etats-Unis ne sont pas nouvelles. Mais celle, spectaculaire, de mi-septembre, au cours de laquelle un ancien combattant d’Irak a réussi à se rendre jusque dans le bâtiment, a marqué les esprits. Un réexamen complet du dispositif de sécurité a été ordonné, ses conclusions sont attendues d’ici deux semaines.
L’interpellation cette semaine d’un nouveau «sauteur de barrière» a donné une nouvelle impulsion au débat sur la protection de ce bâtiment où vivent et travaillent les présidents américains et leur famille depuis 1800.
L’exécutif affiche sa détermination à trouver un équilibre entre «la priorité numéro un», la protection du président, et la volonté de ne pas faire de ce symbole de la démocratie américaine une forteresse invisible.
Une vue sans entraves ou presque
«Il serait bien sûr possible de construire un haut mur blindé autour des sept hectares du domaine de la Maison-Blanche», explique Josh Earnest, porte-parole de Barack Obama. «Mais il ne s’agit pas seulement de protéger une destination touristique mais aussi un symbole qui doit rester accessible aux gens qui ont élu la personne qui y vit».
La première impression des touristes qui visitent Washington est la surprise: la vue sur la Maison-Blanche est sans entraves ou presque. Depuis la partie nord, devant Lafayette Square, les jardins qui entourent le bâtiment semblent étonnamment accessibles, séparés par une simple grille métallique d’à peine plus de deux mètres de haut. Le symbole est fort, la question est sensible.
Eleanor Holmes Norton, élue du district de Columbia à la chambre des représentants, a réclamé cette semaine une barrière plus haute, avec une courbe sur son extrémité, pour rendre son franchissement plus difficile, mettant en avant une «solution de bon sens». Mais elle a aussi mis en garde contre la tentation de repousser les touristes plus loin, réclamant avec force «le maintien des vues actuelles sur ce repère historique».
Symbole de liberté d’expression
Au-delà de son attrait touristique, cette zone est aussi un symbole de liberté d’expression, le lieu de toutes les revendications. Chacun peut venir y exprimer, mégaphone en main, sa colère ou sa joie.
Des militants antinucléaires sont fidèles au poste depuis le début des années 1980. Un jour, un homme en tenue orange réclame la fermeture de la prison de Guantanamo. Un autre, un individu en combinaison blanche exige l’interdiction des vols en provenance des pays africains touchés par Ebola.
Si un renforcement de la sécurité est aujourd’hui évoqué, l’accès aux jardins a longtemps été beaucoup plus facile.
Les premières clôtures ont été érigées par Thomas Jefferson. Mais l’objectif était alors, dans un environnement peu urbanisé, de tenir à l’écart le bétail, pas le public. Le troisième président des Etats-Unis (1801-1809) a, au contraire, tout fait pour encourager les Américains à s’approprier les lieux. «Il voulait clairement indiquer que la Maison-Blanche appartenait au peuple américain, ne devait pas être cachée», souligne William Bushong, de l’association historique de la Maison-Blanche.
La sécurité évolue
Et si les grilles ont été complétées au fil du temps, les portes étaient régulièrement ouvertes, de telle sorte que ces jardins aujourd’hui inaccessibles «ont été utilisés comme un parc public pendant la majeure partie du XIXe siècle».
Si les grilles sont restées à peu près identiques, le dispositif a évolué. Dernière modification en date: l’interdiction de l’accès aux voitures sur la partie de Pennsylvania Avenue qui passe devant la Maison-Blanche après l’attentat meurtrier contre un immeuble fédéral à Oklahoma City en 1995.
Parmi les suggestions plus ou moins loufoques qui ont émergé cette semaine lors des points de presse de la Maison-Blanche, la création d’un poste de «tsar», concept largement utilisé par les médias américains pour désigner une personne ayant des pouvoirs étendus pour gérer une crise délicate.
Barack Obama vient d’en nommer pour organiser la riposte face à Ebola. Son porte-parole a été amusé, mais pas absolument convaincu. «Ce serait quand même ironique d’avoir un tsar de la Maison-Blanche, non?»
(ats/Newsnet)