BURKINA FASO: “LE OUAGA-DÉGOÛT DU PEUPLE!” PAR SOULAY TCHIANGUEL

Il y a des jours comme ça où la terre sous nos pieds a décidé de trembler. Il y a des moments comme ça où sous nos pattes le sol a décidé de se dérober. Il y a des instants comme ceux qui du côté du Burkina ont sonné, le kibanyi sous le fessier du chef semble se tirer, se retirer, se casser, se barrer, se volatiliser. Il est des temps, ces temps de convulsions enchantées où les révolutions décident de tonner. Ces temps des forteresses balayées, de ces certitudes désenchantées, de ces roitelets rectifiés, de ces prétentions giflées, de ces velléités de koudayisme freinées, de ces fiertés exprimées sur le macadam brûlant de la capitale Burkinabé. Il y a des moments, ces instants, ces jours des chants de libertés éventrées par les canifs décidés d’un peuple trop longtemps comprimé.

Les vannes ont été ouvertes pour qu’elle déverse dans les quartiers échaudés des mélodies de la liberté retrouvée. Comme d’habitude, lorsque s’expriment ces mélodies emprisonnées, les chefs sont cloîtrés dans leur tour empoisonné et retiré. Et les voilà qui se sont vautrés, n’ayant pas vu leur chute arriver. Les voilà prenant la poudre d’escampette sans trop se poser de questions sur l’endroit où il faut se réfugier. La colère du peuple a grondé. La douleur du peuple a mué. La fleur de la renaissance a germé. L’espérance dans des lendemains heureux a décuplé. Le chef a compris finalement le message qui lui a été envoyé.

En fin de compte, le temps lui était compté. Lui veut plus trop de sang versé. Lui veut plus trop de haine accumulée. Lui souhaite plus trop d’âmes zigouillées. Lui n’accepte plus que trop le Burkina se laisse déchirer. Lui, il est homme à jouer d’un réalisme exalté. Il est chef à lâcher lorsque les réclamations se font insistantes et tranchées.
Et mon peuple se surprend à rêver. Et mon père, et ma mère, et mes frères et sœurs des frustrations condensées et des fureurs condamnées, ces cœurs esseulés dans un monde révolté se surprennent à rêvasser. Et si cela se passait dans nos contrées? Et si nous grondions de la même colère refoulée? Et si nous chantions du même refrain engagé? Et si nous frappions du même poing fermé? Et si nous marchions de la même cadence déterminée? Et si nous nourrissions du même désir de liberté? Oh que oui la même flamme scintille au fond de nos cœurs blessés. Cette étincelle danse depuis trop long au fond de nos âmes essorées. Les régimes qui se sont succédé n’ont jamais eu du mal à nous planter le dard de l’angoisse et de la pauvreté. A chacun des régimes qui nous est donné, nous nous surprenons à regretter le passé. On jette ce malheureux et nostalgique coup d’œil sur le rétroviseur cassé. Face aux douleurs que nous infligent nos actuelles autorités, on se prélasse dans les bras de celles qu’on maudissait de toute notre salive ravalée. Pauvre Guinéen couillonné, malmené, maltraité, giflé, baratiné en baragouinant son appel à un Dieu qui l’a déjà abandonné. Dieu et tous ces anges l’ont quitté. Même Satan en personne a plié bagages de notre côté. Il s’est faufilé entre deux virus d’Ebola et Choléra qu’il a croisé. Trop de tempêtes tuent la tempête sans tempêter. Trop de malheurs multipliés enlèvent le goût du malheur à celui qui en est le prophète zélé.
Tout autour de nous, les autres ne font qu’avancer. Nous ici on ne jure plus que par les chefs qui nous font régresser. A notre espoir de tout voir se redresser, on nous cloue par la perpétuelle indifférence et insolence des engraissés. De là où ils sont perchés, ils assistent à notre agonie répétée. Et on renvoie à demain notre réveil retardé qui sent l’attardé.

On dit que 2015 sera l’année de la récolte espérée. On dit que l’année prochaine on chassera par les urnes celui qui nous tient par les burnes asséchées. On dit que face à son maigre bilan affiché, le peuple refusera qu’il rempile pour cinq autres années. On dit que ceux qui ont été bernés sont désormais éveillés et réveillés. On dit que ceux qui ont été trompés de la joie droite ne tendront pas la gauche pour qu’on la fasse vibrer. On dit qu’il est hors de question qu’une nouvelle fois notre pantalon soit baissé pour se laisser bêtement enfiler. Pas question de se se faire raboter sans sourciller. On dit que, on dit que… Oui c’est ce qu’on dit dans les restaurants et les bars café. Voilà ce qu’on dit dans les bas quartiers et les endroits huppés. Voilà les mots d’espérance qu’on fait partout jaser. Et ceux qui triment s’accrochent à ce fil ténu de l’espérance égarée. Parce qu’il s’agit bien d’une goûte d’espoir dans un océan de certitudes de ceux qui ne vivent que pour nous pilonner. De nuit comme de jour, ils ourdissent leurs machiavéliques plans bétonnés. Garder le pouvoir au mépris du sang versé. Se maintenir par tous les moyens que le diable peut imaginer. Juste les rappeler qu’un jour ou l’autre tout cela finira bien par s’arrêter. Les parents de la Basse côte disent à juste titre pour ceux qui sont frappés de surdité: s’il y a des jours longs à venir, il n’y en a en revanche qui ne finit par venir. En attendant de voir celui-ci pointer, je ferme ma gueule et je dégage!

SOULEYMANE BAH « SOULAY TCHIANGUEL

Source : Actu224.com