DÉCISION JUDICIAIRE: Avec un parlement invalidé, la Libye plonge dans le chaos

L’annonce que la Cour suprême libyenne a invalidé ce jeudi 6 novembre le parlement reconnu par la communauté internationale , qui a surpris les observateurs, illustre l’extrême désordre régnant en Libye, dont la capitale Tripoli est contrôlée par une coalition de milices, Fajr Libya, et où de violents combats secouent la deuxième ville du pays, Benghazi.

Le parlement élu n’a pas réagi dans l’immédiat, mais des députés ont souligné qu’ils n’allaient probablement pas se soumettre à l’arrêt de la Cour. «Les représentants ne vont pas reconnaître un verdict décidé sous la menace des armes», a averti le député Issam al-Jehani sur Facebook.

La Commission juridique de la Chambre s’est réunie «d’urgence pour examiner la décision de la Cour suprême et délivrer une réponse officielle», a indiqué le service de presse de la Chambre.

La Cour s’est prononcée sur un recours d’Abderraouf al-Manai, qui boycotte comme d’autres élus le parlement. Il avait argué que celui-ci n’avait pas respecté la Constitution provisoire qui stipule que la Chambre doit siéger à Benghazi, à 1000 km à l’est de Tripoli. Le député remet ainsi en cause la constitutionnalité des décisions du parlement.

Un verdict définitif

Dans son arrêt, lu par son président Kamal Al-Dahan, la Cour s’est également prononcée, contre toute attente, sur un autre recours contestant un amendement de la Constitution ayant conduit aux élections du 25 juin et, de ce fait, a annulé ce scrutin ainsi que toutes les décisions qui en ont découlé. Cette décision s’avère définitive, son effet immédiat et aucun recours n’est possible.

Dès l’annonce de la Cour suprême, des concerts de klaxons et des tirs de joie ont résonné à Tripoli où les miliciens de Fajr Libya fêtaient leur «victoire», a constaté un photographe de l’AFP.

Selon l’analyste Fraj Najm, cette décision donne la «légitimité» au parlement sortant, le Congrès général national (CGN), dominé par les islamistes, qui avait déjà repris du service sous l’impulsion de Fajr Libya.

En mars, le CGN avait été contraint d’amender la constitution pour organiser des élections législatives, sous la pression de la rue qui contestait sa «légitimité», dans la mesure où son mandat devait se terminer en février.

Violences quotidiennes

Sans surprise, le vice-président du CGN, Salah al-Makhzoum, a aussitôt affirmé que cette assemblée respectait la décision de la justice. Son porte-parole Omar Hmidan a de son côté déclaré que le CGN était désormais «la seule instance légitime dans le pays». Le Congrès doit décider d’une nouvelle «feuille de route pour la Libye».

Dominée par les anti-islamistes, le parlement, issu des élections du 25 juin et largement contesté par Fajr Libya, était obligé de se réunir, depuis son élection, à Tobrouk, dans l’extrême est de la Libye. Les députés estimant que leur sécurité ne pouvait être assurée à Benghazi, théâtre de violences quotidiennes.

C’est sur ces considérations géographiques que le député islamiste Abderraouf al-Manai a fondé son recours, arguant que le Parlement n’avait pas respecté la Constitution provisoire.

Il accuse par ailleurs, avec d’autres députés islamistes, le parlement d’avoir outrepassé ses prérogatives en appelant en août à une intervention étrangère en Libye. Une opération dont le but était de protéger les civils, suite à la prise de la capitale par «Fajr Libya».

Un nouveau scrutin législatif

La Libye est donc dotée depuis début septembre de deux gouvernements et deux parlements, ce qui va rendre très complexe l’organisation d’un nouveau scrutin législatif. Malgré cette réalité, le chef du gouvernement parallèle, Omar al-Hassi, avait appelé dimanche, dans une interview à l’AFP, à de nouvelles élections législatives, indispensables selon lui pour mettre fin à l’anarchie.

La décision de la Cour met dans l’embarras la communauté internationale, qui avait reconnu le parlement désormais invalidé et le gouvernement qui en était issu, tout en refusant toute relation avec le CGN et le gouvernement parallèle établi à Tripoli.

(ats/Newsnet)