FRANCE: La rivalité Fillon-Sarkozy vire au scandale

Deux journalistes du journal Le Monde affirment dans un livre que M. Fillon a sollicité le secrétaire général de l’Elysée Jean-Pierre Jouyet lors d’un déjeuner le 24 juin, pour qu’il accélère une des procédures judiciaires portant sur les comptes de campagne de M. Sarkozy et «l’affaire Bygmalion».

François Fillon a vivement démenti ce dimanche 9 novembre et porté plainte contre les deux reporters et leur quotidien. «Je ne peux pas ne pas voir dans ces attaques invraisemblables une forme de déstabilisation et de complot», a-t-il dénoncé dans le «Journal du dimanche».

Interrogé dimanche soir au Journal de TF1, l’ancien Premier ministre a assuré qu’il rendrait «coup pour coup». Il a accusé M. Jouyet de «mensonge» et l’a menacé de suites judiciaires. Il a aussi demandé aux journalistes du Monde de produire l’enregistrement de leur entrevue avec le secrétaire général de l’Elysée.

Jouyet change de version

M. Jouyet avait démenti jeudi avoir évoqué cette affaire avec l’ancien Premier ministre. Toutefois, sous la pression médiatique et tandis que les deux journalistes maintenaient leur version, le secrétaire général de l’Elysée a reconnu dimanche que François Fillon lui avait «fait part de sa grave préoccupation concernant l’affaire Bygmalion».

«Il s’en est déclaré profondément choqué (…) Il a également soulevé la question de la régularité du paiement des pénalités payées par l’UMP pour le dépassement des dépenses autorisées dans le cadre de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy», a ajouté M. Jouyet, ami intime du président François Hollande et ex-secrétaire d’Etat du gouvernement Fillon.

Selon les deux journalistes du Monde, M. Fillon aurait lancé à son interlocuteur: «Tapez vite, tapez vite ! Jean-Pierre, tu as bien conscience que si vous ne tapez pas vite, vous allez le laisser revenir (en politique). Alors agissez!» Il serait allé jusqu’à accuser son ex-mentor d’«abus de bien social».

François Fillon devait répondre au journal de TF1 dimanche soir à la nouvelle version fournie par M. Jouyet.

Le gouvernement dément

L’affaire, qui témoigne de la vivacité de la guerre des chefs à droite, n’est pas bonne non plus pour la gauche au pouvoir. Elle vient jeter le soupçon sur la volonté du pouvoir socialiste de ne pas s’immiscer dans les procédures judiciaires.

Le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a rejeté tout lien dimanche soir entre la rencontre entre MM. Jouyet et Fillon et l’enquête judiciaire sur les pénalités pour dépassement des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. «Comme si on pouvait saisir la justice suite à un déjeuner», s’est-il écrié sur France Inter.

Au même moment, le parquet de Paris a indiqué avoir lancé une enquête sur l’affaire Bygmalion «au vu des seuls éléments» transmis «par les commissaires aux comptes de l’UMP».

Personnalité «trouble»

Si François Hollande n’est pas directement mis en cause dans cette affaire, les tergiversations et le rôle central dans l’affaire de M. Jouyet, son ami de longue date, pourraient être gênants pour lui.

«C’est très grave», estime sous couvert d’anonymat un membre de l’exécutif, assurant que nombre de ministres voient en Jean-Pierre Jouyet «un personnage intrigant» qui «manipule tout le monde» et entretient des relations «troubles» avec l’opposition de droite.

Pour Marine Le Pen, cette affaire est «symbolique» de «l’UMPS» que la présidente du Front national (FN) dénonce régulièrement. «Ce qui est notable, c’est que M. Jouyet était ministre de M. Fillon» puis secrétaire général de l’Elysée dans une majorité de gauche, a de son côté relevé Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). «On a une représentation politique discréditée, carbonisée», a-t-il fustigé.

(ats/Newsnet)