
Le vice-président américain Joe Biden rencontre samedi le président turc Recep Tayyip Erdogan avec la volonté d’entraîner la Turquie, très réticente, dans la lutte antijihadiste en Syrie et en Irak, théâtre d’une nouvelle offensive du groupe Etat islamique (EI).
Dernière étape de sa tournée au Maroc et en Ukraine, M. Biden a débarqué vendredi soir à Istanbul sur fond de fortes divergences entre Washington et Ankara, tous deux membres de l’Otan, autour de leur priorités stratégiques en Syrie.
Des amis de longue date
Après deux discours dans la matinée, il doit retrouver M. Erdogan pour un déjeuner, point d’orgue de sa visite de trois jours dans la mégapole turque.
Lors d’un dîner vendredi soir, le vice-président américain et le Premier ministre islamo-conservateur turc Ahmet Davutoglu se sont appliqués, devant la presse, à minimiser les tensions qui ont agité leurs relations ces dernières semaines.
«Nous sommes des amis de longue date et l’un des avantages de revenir en Turquie chez un ami et un allié au sein de l’Otan, c’est que l’on est toujours franc l’un envers l’autre», a assuré M. Biden. «Nous avons été confrontés à certaines questions très difficiles dans la région et dans le monde, et nous sommes toujours tombés d’accord».
Désamorcer les tensions
Pour dégeler l’atmosphère, le responsable américain a osé un trait d’humour pour féliciter son hôte de sa promotion, en août, au poste de chef de gouvernement. «Il a eu une promotion alors que je suis toujours vice-président !», s’est-il exclamé.
De son côté, M. Davutoglu a insisté sur la «profondeur» des liens entre les deux pays. «La visite de M. Biden est très importante pour nous», a-t-il ajouté.
A l’issue de la rencontre, la Maison blanche a souligné l’accord des deux pays sur «la nécessité de frapper et de défaire l’EI, de travailler à une transition en Syrie et de soutenir les forces de sécurité irakiennes et l’opposition syrienne modérée».
Mais sur le fond, les approches des deux pays restent très éloignées.
Ankara ne veut pas aider les Kurdes
Contrairement aux Etats-Unis, la Turquie refuse de fournir une quelconque aide militaire aux forces kurdes qui défendent la ville syrienne de Kobané, assiégée depuis plus de deux mois par les combattants djihadistes .
Sous pression de ses alliés et des critiques, elle a toutefois autorisé le passage vers Kobané, via son territoire, de 150 combattants peshmergas venus d’Irak.
Ankara considère comme largement insuffisants les raids menés par les avions de la coalition internationale emmenée par les Américains et considère que la menace djihadiste, ne sera écartée qu’avec la chute du président syrien Bachar al-Assad, sa bête noire.
«En Syrie, vous ne pouvez pas apporter la paix en essayant de détruire une organisation terroriste dans une partie du pays, et en laissant dans l’autre le régime de Damas (…) exterminer une partie de sa population», a souligné M. Davutoglu vendredi.
Conditions turques
Le gouvernement turc a en outre posé comme condition à son entrée dans la coalition la création d’une zone-tampon doublée d’une zone d’interdiction aérienne le long de sa frontière avec la Syrie. Jusque-là en vain.
«Ce ne sont que des moyens (…) je pense qu’il serait plus productif de se concentrer plutôt sur les objectifs que sur les moyens», a répété vendredi un haut responsable américain avant l’arrivée de M. Biden en Turquie.
Contrairement aux Turcs, les Américains restent focalisés sur la lutte antijihadiste. «Nous sommes d’accord avec les Turcs qu’il faudra une transition politique sans Assad au bout du compte», a insisté le responsable américain, «mais pour le moment, notre priorité absolue en Irak et en Syrie reste la défaite de l’EI».
Offensive sur Ramadi
Sur le terrain, les djihadistes ont lancé une nouvelle offensive dans l’ouest de l’Irak, dans la province d’Al-Anbar frontalière de la Syrie, avec l’objectif de prendre le contrôle de la totalité de la ville de Ramadi (100 km à l’ouest de Bagdad), l’une des dernières zones urbaines encore partiellement sous le contrôle de l’armée irakienne.
La prise de Ramadi constituerait une importante victoire.
La coalition a mené deux raids près de Ramadi au cours des dernières 72 heures, a annoncé vendredi le commandement américain chargé de la région (Centcom).
(smk/afp/Newsnet)