
«L’appel au djihad est apparu à Fresnes! C’est l’appel au meurtre, l’appel à tuer des surveillants et l’autorité qu’ils représentent.» Yoan Karar est inquiet. Le témoignage de ce secrétaire local du syndicat Force ouvrière (FO) et surveillant de la prison de Fresnes, racontant, hier sur France Info, la manière dont se développe l’expérimentation antipropagation du djihad dans le milieu carcéral, est pour le moins inquiétant.
Regrouper, dans l’attente de leur procès, les Français djihadistes présumés de retour de Syrie, c’est l’expérience tentée par la maison d’arrêt de Fresnes, dans la région parisienne. L’établissement est l’une des grandes prisons de France. Quelque 2’500 détenus, sous les condamnations les plus diverses, y purgent leur peine. Afin d’éviter au maximum le prosélytisme, la direction a décidé de contenir dans un même espace les prisonniers identifiés islamistes radicaux. Car quelque 50% de la population carcérale française est de culture musulmane.
L’objectif du test est donc de préserver les autres détenus des radicaux, mais ces derniers n’en seraient devenus que plus résolus dans leur combat contre l’Occident. «C’est leur donner du pouvoir, créer un noyau dur», estime le surveillant syndicaliste. Interpellée à ce sujet, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, a pris ses distances. «C’est une initiative d’un directeur d’établissement que l’administration pénitentiaire suit de près. Je suis très réservée sur cette idée», a-t-elle commenté. Et de rappeler que ce projet pilote ne concernait qu’un centre de détention dans toute la France. On estime d’ailleurs à une petite centaine le nombre de prisonniers repérés comme islamistes radicaux et dangereux sur les 67 000 détenus de France. Pour Fresnes, cette expérience concerne 19 individus sur 2500 pensionnaires.
Terreau propice
Cependant, la prison est un terreau propice à la radicalisation au contact d’anciens djihadistes. Mehdi Nemmouche, le présumé tueur de Bruxelles de mai dernier, a notamment expliqué aux enquêteurs comment il s’était radicalisé lors de ses précédents passages en prison pour des actes délictueux d’une gravité (vols, etc.) sans commune mesure avec le terrorisme.
Mohammed Louslati, aumônier musulman dans les prisons de la région parisienne, témoigne aussi de la nécessité de «connaître la spiritualité des détenus. C’est l’absence de référent qui est dangereux. Ce sont les imams improvisés qui font le plus de dégâts en instrumentalisant l’islam», explique l’homme de terrain. Au nombre de 200, les aumôniers musulmans souhaiteraient être plus nombreux et pourraient jouer un rôle dans les futurs programmes de déradicalisation des djihadistes qui sont à l’étude.
En effet, la ministre de la Justice l’a annoncé au début de novembre. La France devrait s’inspirer de ce qui a été fait en Angleterre, un pays en proie au communautarisme et au radicalisme depuis plus longtemps que l’Hexagone. «Le Royaume-Uni, dans la logique anglo-saxonne, a mis en place des programmes de désendoctrinement, de déradicalisation depuis plusieurs mois. C’est moins dans notre culture, mais c’est devenu indispensable. Parce qu’il faut faire en sorte que ces jeunes filles et ces jeunes gens échappent à cet endoctrinement et à cet entraînement vers des actions», estime Christiane Taubira.
(24 heures)