
Alors que Madrid reste sourd aux velléités indépendantistes catalanes, le président de la Généralité, Artur Mas, a annoncé mercredi des élections anticipées pour le 27 septembre. De passage vendredi à Lausanne où il recevait un rapport de l’IMD (International Institute for Management Development) sur la compétitivité de la Catalogne, Felip Puig, ministre des Affaires et du Travail de la Généralité, explique les raisons de cette décision.
Pourquoi un scrutin anticipé?
– Parce que le retour aux urnes est la seule solution dans la situation où se trouve la Catalogne. Il faut comprendre qu’en plus de trente ans de reconstruction de la démocratie en Espagne et d’intégration européenne, les aspirations des Catalans n’ont jamais été prises en compte par Madrid. Du coup, pour savoir s’il y a une majorité en faveur d’un nouveau modèle d’Etat, l’unique possibilité, c’est la démocratie. Et comme le référendum est interdit, des élections anticipées – à caractère plébiscitaire – sont le seul moyen.
Votre parti, Convergence et Union (CiU, conservateur) joue-t-il à quitte ou double, alors que l’indépendance est en perte de vitesse dans les sondages?
– Les sondages sont changeants, vous savez. En revanche, on a vu ces dernières années une mobilisation extraordinaire lors de notre fête nationale, le 11 septembre. L’an dernier, 1,8 million de Catalans sont descendus dans les rues de Barcelone. C’est comme si 14 millions de Français s’étaient rassemblés Place de l’Etoile, 17 millions d’Allemands à la Porte de Brandebourg, ou encore deux millions de Suisses à Berne. Nous pensons qu’il y a une majorité en faveur de l’indépendance. L’unique façon de le savoir, ce n’est pas un sondage, c’est le vote.
Une défaite de CiU sonnerait-elle la fin du rêve indépendantiste?
– Mon parti n’a jamais perdu d’élections et reste le premier parti de Catalogne. Mais cette fois, ce n’est pas tel ou tel parti qui gagnera ou perdra: c’est le pays. Si le pays perd, il faudra réévaluer la situation et attendre peut-être une génération, comme en Ecosse ou au Québec, pour reposer la question.
Une victoire indépendantiste débouchera-t-elle sur un nouveau référendum, malgré l’opposition de Madrid?
– Nous pensons que s’il y a un résultat incontestable, un processus de négociations va s’ouvrir avec l’Etat espagnol, avec un arbitrage de l’Union européenne si nécessaire. L’Espagne est un pays, une société, qui n’a pas la culture du dialogue et de la négociation. Il gagne ou il perd, mais ne négocie jamais. Nous allons donc ouvrir un processus d’un ou deux ans au terme duquel nous organiserons un référendum définitif sur la construction d’un nouvel Etat.
Peut-on dire que ce sera l’indépendance ou la mort, que le compromis est impossible?
– On a déjà essayé la troisième voix, celle du compromis. Pendant trente ans. Cela n’a pas marché. L’Espagne n’a pas répondu. Je crois que pour nous Catalans, l’alternative n’est pas entre indépendance ou mort, mais entre indépendance ou décadence. La Catalogne est un petit pays très ouvert, économiquement, socialement, avec du goût pour la diversité. Mais l’Espagne d’aujourd’hui n’est pas prête à offrir un cadre pour promouvoir ces valeurs, construire des ponts vers nous.
Au vu des conclusions de l’IMD, une Catalogne indépendante serait-elle viable?
– Bien sûr! Notre société ouverte, notre situation stratégique en Méditerranée, notre tourisme (20 millions de visiteurs par an pour 7 millions d’habitants), notre économie, sont des atouts majeurs qui nous rendent optimistes. Enfin, nous sommes déjà en Europe et dans l’euro et nous comptons bien y rester.
(24 heures)