
Le procès du Carlton à Lille a commencé hier sur les chapeaux de roues. Il ne pouvait en être autrement vu le casting. Pas moins de quatorze prévenus, dont l’ex-politicien chéri de la gauche Dominique Strauss-Kahn(DSK), sont inculpés entre autres de proxénétisme aggravé en réunion. En face, une partie civile constituée de plusieurs prostituées, d’associations antiproxénétisme et d’une entreprise du bâtiment. Tous ces protagonistes sont dûment accompagnés d’une ribambelle d’avocats (trois pour DSK!). Ajoutez pas moins de 370 journalistes du monde entier venus raconter les suites des frasques sexuelles de l’ex-directeur du Fonds monétaire international (FMI) et le tribunal lillois se transforme en grand barnum.
Lors de cette première journée de présentation générale, la défense attaque immédiatement. Le procès pour proxénétisme aggravé en réunion glisse alors vers le complot politique. Les avocats de la défense plaident la nullité de la procédure. Au motif qu’une «enquête fantôme» a été déclenché dès 2010 et qu’elle visait le candidat à la présidentielle 2012 Dominique Strauss-Kahn. Donc bien avant l’enquête officielle de l’affaire, dite du Carlton, qui démarre, elle, en 2011.
Les écoutes existent
En effet, un livre écrit par un policier désormais à la retraite et une enquête de Canal+ documentent l’existence d’écoutes administratives à cette période. Or, elles ne peuvent être diligentées que par le président de la République ou le premier ministre. Selon cette thèse du complot, les investigations avaient pour but en premier lieu de réunir des éléments pour nuire aux ambitions du favori des sondages: Dominique Strauss-Kahn. Ambiance à mots couverts néanmoins car, à aucun moment, les noms du président d’alors, Nicolas Sarkozy, et de son premier ministre François Fillon ne sont prononcés.
Résultat? La requête en nullité n’est pas acceptée mais ajoutée au fond du dossier. Pour le coup, le procureur admet qu’il y a eu des écoutes non judiciaires, mais qu’elles ne concernent pas l’affaire. Les témoins clés – comme l’ex-policier, auteur du livre Vrai flic – seront néanmoins entendus.
Le procès se poursuit donc pour une durée d’au moins trois semaines. Avec désormais en filigrane, et jusqu’à preuve du contraire, un soupçon d’instrumentalisation politique. Cette entrée en matière est bien plus qu’un examen de question de procédure… Pour le coup, la défense des autres prévenus les pose en victimes collatérales. Eux n’étant, selon les plaidoiries des avocats, responsables que de leur goût pour les parties fines et les relations tarifées.
Les parties civiles, dont les prostituées, évoquent, elles, un système à grande échelle où notamment un directeur d’une filiale d’entreprise du bâtiment offrait en cadeau des filles lors de soirées arrosées. Tout comme l’ex-directeur du Carlton se faisait un point d’honneur de «garnir les lits» de ses bons clients.
Un DSK pensif
Chemise blanche. Costume et cravate noire. Cheveux plus blancs que jamais. Dominique Strauss-Kahn est apparu distant, pensif et peu concerné. Sa défense reste la même: il assume son goût pour le libertinage mais nie avoir eu connaissance que les filles que ses amis lillois lui amenaient sur un plateau étaient des prostituées. Il sera entendu la semaine prochaine.
Dès aujourd’hui, c’est le volet hôtelier de services offerts par le Carlton qui sera examiné. Toute une fresque de la vie d’une ville de province que ne renierait pas Claude Chabrol pour un polar sur fonds de mœurs dissolues.
(24 heures)