
Peu de villes portent autant la patte de l’architecture et de l’urbanisme que Paris. Mais la signature date d’il y a presque cent cinquante ans. Celle du baron Haussmann, préfet de la Seine, qui dirigea la rénovation de Paris entre 1851 et 1870. Des travaux qui ont modifié la ville à 60% et assurent à Paname cette cohérence architecturale qui fait sa qualité. Ce patrimoine hors du commun la condamne-t-il à se figer dans le temps? Car, contrairement à une idée reçue, Paris est une ville en chantier. D’où une extraordinaire tension dès qu’on parle d’architecture.
Dans les années à venir, Paris devra concilier les exigences d’une ville contemporaine, préoccupée par les besoins en logements de ses habitants, et la sauvegarde de sa spécificité. «Depuis les mandats de Bertrand Delanoë, Paris est en marche. Environ 10% de son territoire est en transformation. On réduit souvent notre ville à ses huit premiers arrondissements, mais il y a encore des hectares disponibles en se rapprochant de la périphérie», met en perspective Jean-Louis Missika, adjoint au maire de Paris, chargé de l’urbanisme, de l’architecture et des projets du Grand Paris.
Réhabiliter et construire
Paris aimerait créer 10 000 logements supplémentaires par an pour lutter contre la pénurie de l’immobilier. Une gageure, tant la densité de la capitale est grande, qui passe évidemment par les réhabilitations, mais aussi par la construction. «Nous avons lancé plusieurs projets de ZAC ( ndlr: zone d’aménagement concerté ) de grande envergure: Paris Rive Gauche, qui arrivera à son terme, tout le quartier situé entre la gare d’Austerlitz et le périphérique, ou encore de l’autre côté de la Seine, Bercy-Charenton», explique Jean-Louis Missika.
Nouveaux quartiers
Paris Rive Gauche, par exemple, offrira sur d’anciens terrains industriels – notamment les anciens entrepôts frigorifiques de la ville – une zone mixte où se croiseront 20 000 habitants et 60 000 salariés. La transformation est massive, mais certaines traces de ce passé industriel ont été sauvegardées. «A Paris, rien n’est simple, nous travaillons constamment sous le regard des architectes du Service des monuments historiques, de la Commission du Vieux Paris et de différentes associations pour qui la moindre intervention est un crime», soupire Jean-Louis Missika. Paris Rive Gauche sera finalisé par l’érection des tours Duo (180 et 120 mètres de hauteur) de Jean Nouvel à l’horizon 2020.
Clichy-Batignolles
Toujours dans sa périphérie (dans le XVIIe), le quartier de Clichy-Batignolles est une ambitieuse réalisation en phase terminale. Sur 54 hectares, quelque 3400 logements et plus de 12 000 emplois y trouvent un toit dans un quartier qui vise une empreinte carbone neutre. Toitures végétalisées, centrale géothermique, déchets collectés par un réseau pneumatique souterrain. Clichy-Batignolles est un modèle d’écoquartier qu’on ne s’attend pas à trouver à Paris. Et cerise sur le gâteau: c’est là que s’élèvera le nouveau Tribunal de grande instance de Paris. Le projet signé Renzo Piano comptera 90 salles d’audience et recevra près de 8000 personnes. Ouverture en 2017.
Concours d’innovation
Paname, un musée figé dans le temps? Pour en finir avec cette image – notamment à l’étranger –, elle a donc lancé le concours d’architecture et d’idées urbaines «Réinventer Paris» (qui vient de se clore à la fin de janvier). Soit vingt-trois «défis lancés aux professionnels», s’enthousiasme Jean-Louis Missika. Dans les faits, autant de lieux et d’objets (150 000 mètres carrés constructibles) à réinventer. Cela va du terrain nu envahi de verdure dans le XXe arrondissement jusqu’au projet d’immeuble-pont enjambant le périphérique du côté de la Porte Maillot. «Le retentissement de cet appel à l’innovation est déjà énorme. Je viens de recevoir Carlo Ratti, l’architecte italien qui enseigne au Massachusetts Institute of Technology, et qui m’a dit avoir entendu parler de notre initiative lors d’un colloque à São Paulo au Brésil», se félicite Jean-Louis Missika.
Tour Triangle
Cet activisme novateur ne doit pas faire oublier la réalité politique. En novembre encore, le Conseil de Paris a rejeté le projet de la tour Triangle des architectes bâlois Jacques Herzog et Pierre de Meuron. Suite à des irrégularités, le scrutin sera reconduit le printemps prochain. Mais le signal politique donné n’est-il pas mauvais? «Au contraire, nous avons gagné la bataille médiatique et celle de l’opinion publique. Nous avons constaté que la pétition en faveur de la tour Triangle a récolté plus de voix que celle contre. Ce grand débat a permis une catharsis sur la question des tours à Paris. Je crois que le traumatisme de la tour Montparnasse est en train de s’estomper avec le renouvellement générationnel», rétorque, confiant, Jean-Louis Missika.
(24 heures)