
Secte ou mouvement djihadiste, isolé ou pas, Boko Haramsuscite de nombreuses questions. Pourquoi est-il de plus en plus actif? A-t-il des liens avec d’autres mouvements comme Aqmi ou Daech. Gilles Yabi, Initiateur du Think Thank Wathi et ancien directeur de projet Afrique de l’Ouest à l’International Crisis Group (ICG) répond.
– Boko Haram est présenté parfois comme une secte, parfois comme un mouvement djihadiste. Quelle est la nature exacte de ce groupe?
– Boko Haram a vu le jour sous une forme qui rappelle les organisations sectaires. Le groupe qui était organisé autour d’un chef avait sa propre mosquée et une forte solidarité liait ses membres qui étaient alors assez peu nombreux. Mais à mesure que le contexte global dans lequel il évoluait, Boko Haram s’est progressivement transformé en une véritable organisation djihadiste avec les mêmes caractéristiques que l’on retrouve chez d’autres mouvements islamistes dans le monde.
– Qu’est-ce qui explique la recrudescence des actions du groupe ces derniers mois?
– En fait, il n’y a jamais d’accalmie, même si le rythme de ses actions est devenu plus soutenu dernièrement. Il est fort vraisemblable que Boko Haram veuille montrer aux Etats de la région qui mobilisent des forces militaires qu’il dispose de capacités de frappes certaines et qu’il est prêt à réagir à toute action hostile.
– L’armée nigériane a demandé récemment l’aide de la communauté internationale. Est-ce que le plus peuplé et le premier exportateur de pétrole d’Afrique manque de moyens pour faire face au groupe djihadiste ?
– Le Nigeria n’a pas un problème de moyens. C’est l’absence de volonté politique et la mauvaise gestion des ressources qui expliquent son inefficacité. Sur le papier, le budget alloué à la lutte contre les insurgés islamistes est très important, mais dans les faits, c’est le contraire. Une grande partie des moyens destinés à l’armée n’arrive jamais à destination. C’est un pays dont les élites sont parmi les plus corrompues du continent. Le problème est donc un problème de volonté politique et de gouvernance.
– Les islamistes nigérians ont-ils des liens avec les autres organisations djihadistes, comme Al Qaida, les Shebabs somaliens ou l’Etat islamique en Syrie et en Irak?
– Il y a un lien idéologique commun à tous ces groupes. Mais les relations sont très vagues entre les Nigérians et un groupe comme les shebabs somaliens, actifs dans la Corne de l’Afrique ou les djihadistes de l’Etat islamique présents en Irak et en Syrie. En revanche, il est avéré que Boko Haram entretient des rapports étroits avec les djihadistes sahéliens, comme Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) ou le groupe de Belmokhtar. Lors de l’occupation du Nord du Mali par ces groupes, plusieurs éléments de Boko Haram ont été vus dans la région.
(24 heures)